Ce vendredi, François Rebsamen, ministre et président de Dijon Métropole, était en déplacement dans le cadre du Sommet pour l’Action sur l’Intelligence Artificielle à l’Université Bourgogne Europe. Il y a découvert le projet CAIRE (Citizen-oriented Artificial Intelligence training for a Responsive Education), une initiative ambitieuse soutenue par France 2030 visant à former 28 000 personnes aux usages de l’IA. Avec un budget de 13 millions d’euros, dont 7,8 millions financés par France 2030, ce programme cherche à accompagner l’évolution des compétences dans un monde en pleine mutation numérique.
Dijon Métropole, soutien de la première heure, sera l’une des premières à tester ce dispositif dès 2025, permettant ainsi aux agents publics de mieux appréhender les outils d’IA. À l’occasion de cette visite, François Rebsamen a également échangé avec plusieurs start-ups locales innovantes dans le domaine de l’IA, mettant en lumière le dynamisme technologique de la région.
Cependant, ce qui a retenu l’attention, ce ne sont pas les discussions sur l’avenir numérique, mais bien les tensions politiques qui ont émergé entre François Rebsamen et Pierre Pribetich, député de la troisième circonscription de Côte-d’Or et ancien premier vice-président de Dijon Métropole. Le sujet de la discorde : la situation de l’équipementier automobile JTEKT de Chevigny-Saint-Sauveur, où 550 emplois sont menacés.
Interrogé sur la question, François Rebsamen a d’abord adopté une posture prudente : « Concernant JTEKT, je n’ai pas d’informations particulières. Ce que l’on sait, c’est que le domaine industriel de tout ce qui tourne autour de l’automobile est en difficulté et va l’être encore en 2025 ». Mais il a ensuite envoyé une pique appuyée à Pierre Pribetich, critiquant son intervention à l’Assemblée nationale : « J’ai entendu des propos d’un parlementaire qui n’avaient pas lieu d’être disant que JTEKT allait fermer. Il faut s’interroger vraiment sur ces déclarations qui nuisent beaucoup plus aux entreprises qu’elles ne leur apportent de solutions ».
La réponse de Pierre Pribetich ne s’est pas fait attendre. Sur les réseaux sociaux, il a ironiquement répliqué : « Concernant JTEKT, je n’ai pas d’informations particulières ». C’est dommage qu’il ne puisse pas lire la presse… et s’informer de la situation de cette entreprise… ».
La tension entre les deux hommes est palpable, alimentée par une crise industrielle qui s’aggrave. En avril, 550 emplois risquent d’être supprimés, une perspective alarmante qui ne semble pas trouver de solutions concrètes dans les discours politiques. François Rebsamen a affirmé vouloir « accompagner » les salariés affectés, mais dans quel sens ? Jusqu’à la porte de Pôle emploi, comme le craignent certains observateurs ?
Pierre Pribetich, quant à lui, avait pris la parole à l’Assemblée nationale pour dénoncer une politique industrielle qu’il juge défaillante. « L’année 2024 a été dramatique pour nos entreprises, conséquence des politiques menées par Emmanuel Macron et ses gouvernements. Une politique industrielle qui manque cruellement d’ambition, d’investissement, d’audace, se réfugiant derrière une pseudo-compétitivité pour faire des cadeaux fiscaux. Les plans de licenciements ont explosé en 2024 et vont s’intensifier en 2025 avec plus de 300 000 emplois menacés. »
Il ajoutera : « La 3ème circonscription de Côte-d’Or que j’ai l’honneur de représenter vient de connaître plusieurs annonces de fermeture de sites industriels. À Longvic avec plus de 200 emplois menacés avec la fermeture de l’usine Tetra Pak. À Quetigny avec la fermeture du site de production de Boiron. À Genlis avec 150 emplois concernés par la fermeture de l’entreprise PPG-Seigneurie. Sans oublier le sort de 550 emplois de l’équipementier automobile JTEKT de Chevigny-Saint-Sauveur. »
Puis il interpellera directement le Premier ministre : « Monsieur le Premier ministre, l’usine PPG-Seigneurie a touché plus de 12,5 millions d’euros d’aides publiques pour la recherche et le développement depuis 2017, présente un résultat net en 2023 de 50 millions d’euros de bénéfices, le groupe PPG a lui reversé 600 millions de dollars de dividendes à ses actionnaires. Est-il normal que l’Etat ayant versé des fonds publics n’exige rien, laisse faire, laisse faire notre tissu industriel se déliter ? »
« Quand allez-vous demander la restitution de ces derniers publics dans de telles circonstances afin de financer l’accompagnement et la reconversion industrielle des territoires ? Repenser l’attribution de fonds publics afin de conditionner au respect de critères sociaux et environnementaux ? Enfin, peut-on espérer enfin de l’audace pour projeter la France dans une politique industrielle digne du 21e siècle ? »
Le député a eu le mérite de poser les bonnes questions. Derrière les joutes verbales, ce sont des centaines de familles qui risquent de perdre leur emploi et leur stabilité. Si l’accompagnement évoqué par François Rebsamen se réduit à un simple discours de gestion des ressources humaines, sans vision ni actions concrètes, alors l’inquiétude des salariés est plus que légitime.
En attendant, le bal des piques risque bien de continuer, mais les solutions concrètes se font attendre. Affaire à suivre.