C’est une annonce qui fait grincer les pédales : à compter du 2 juin, veille de la Journée mondiale de la bicyclette, la Ville de Dijon interdira la circulation des vélos et des trottinettes sur la rue de la Liberté, principale artère piétonne du centre-ville, en journée. Une décision vivement dénoncée par l’association EVAD (Ensemble à Vélo dans l’Agglomération Dijonnaise), qui y voit une mesure « injuste », « contre-productive » et en totale contradiction avec les engagements cyclables de la métropole.
Dans un communiqué diffusé ce lundi, l’association s’indigne d’une mesure qu’elle juge symptomatique d’une politique qui « s’attaque aux conséquences plutôt qu’aux causes ». Si EVAD reconnaît l’existence de conflits d’usage et de comportements dangereux dans la rue de la Liberté, elle déplore que la municipalité n’ait pas cherché à comprendre les racines du problème, ni à engager une réflexion globale sur le partage de l’espace public.
« Imagine-t-on interdire les voitures sur les vélorues parce que des automobilistes ne respectent pas les cyclistes ? », interroge l’association, rappelant que la majorité des accidents graves impliquent des véhicules motorisés. Elle cite notamment le rapport récent d’Emmanuel Barbe sur les violences routières, remis au gouvernement en avril, qui met en lumière la responsabilité centrale de la voiture dans les collisions mortelles.
Mais au-delà de l’injustice ressentie, EVAD pointe aussi une incohérence politique : la rue de la Liberté figure dans le Schéma directeur cyclable adopté par Dijon Métropole en 2023 comme un axe cyclable structurant. L’interdire à la circulation des vélos revient donc, selon l’association, à renier les engagements pris pour favoriser une mobilité douce et apaisée en cœur de ville.
Autre point de crispation : l’absence d’alternative crédible proposée par la municipalité. Le communiqué municipal évoque le boulevard de la Trémouille comme itinéraire de report, un choix vivement critiqué par EVAD. Ce boulevard, déjà marqué par des infrastructures inadaptées et des conflits d’usage entre piétons et cyclistes, est actuellement perturbé par d’importants travaux. « Un symbole de l’absence d’anticipation et de vision », juge l’association.
Plutôt qu’une interdiction brutale, EVAD plaide pour une concertation ouverte avec les associations et les usagers, afin de co-construire des solutions favorisant la cohabitation sur la rue de la Liberté. L’association dit avoir proposé de reporter la mesure pour permettre cette réflexion, mais n’a pas été entendue.
En conclusion, EVAD appelle la maire de Dijon, Nathalie Koenders, à suspendre cette décision avant sa mise en œuvre, et à rouvrir le dialogue. Car pour les défenseurs du vélo, la rue de la Liberté ne doit pas devenir un symbole d’exclusion, mais rester un espace partagé et vivant, accessible à tous les modes de déplacement doux.
Communiqué de presse du 26 mai 2025 :
Le vélo et les cyclistes ne sont plus les bienvenus à Dijon
La Ville de Dijon, par le voix de sa maire Nathalie Koenders, a annoncé ce dimanche la mise en place d’une interdiction de circulation à vélo (et à trottinette) rue de la Liberté, en journée, à compter du 2 juin, veille de la journée mondiale de la bicyclette. Comme nous avons pu le dire aux élus qui ont pris la peine de nous recevoir en amont de cette annonce, nous sommes indignés par une telle décision.
Nous partageons le diagnostic : oui, il y a un enjeu sérieux de cohabitation entre les différents modes de déplacement, et les différents usages de cette rue. Oui, il y a des comportements individuels problématiques, qui mettent en danger les autres usager-es de l’espace public, à pied ou à vélo d’ailleurs. La Ville de Dijon s’est-elle toutefois posée la question d’où vient ce problème ? Sommes-nous une fois de plus dans une mesure qui s’attaque aux conséquences plutôt qu’aux causes ? Nous le croyons.
Imagine-t-on interdire l’usage de la voiture dans les vélorues (avenue Jean Jaurès ou rue Monge) parce que les cyclistes se font klaxonner, frôler et mettre en danger par des automobilistes qui ne respectent pas les règles de conduite et de respect ? On pourrait justifier cette mesure à la lumière du rapport d’Emmanuel Barbe sur les violences routières remis au gouvernement le mois dernier qui rappelle que ce sont les collisions avec les véhicules motorisés qui tuent sur la route, pas avec les vélos.
En plus d’être injuste, et d’entrer en totale contradiction avec le Schéma directeur cyclable adopté en 2023 par la métropole qui identifie la rue de la Liberté comme axe cyclable structurant, tout nous laisse à penser que cette mesure ne sera pas respectée par les personnes qui, aujourd’hui, ne respectent déjà pas l’obligation de rouler au pas sur cet axe actuellement en vigueur (et par ailleurs très peu communiquée). À part augmenter les tensions entre les usager-es, l’effet de cette interdiction risque d’être limité.
Nous avons proposé aux élus de reporter cette mesure le temps de travailler, collectivement, à des alternatives pour apaiser les déplacements et les usages sur la rue de la Liberté ou, à minima, de proposer une alternative crédible et surtout sécurisée pour les cyclistes : interdire avant de sensibiliser/responsabiliser ne nous paraît ni constructif ni logique, tout comme interdire sans alternatives n’est pas une solution viable. En effet, malheureusement, lorsque nous découvrons que la suggestion dans l’annonce municipale est d’emprunter le boulevard de la Trémouille, symbole des infrastructures créant des conflits d’usage entre personnes piétonnes et cyclistes (bandes cyclables sur le trottoir débouchant sur la traversée de l’arrêt de tram Godrans…), en plus d’être concerné par d’importants travaux créant des entraves majeures à la circulation à vélo, nous ne pouvons que constater l’absence d’anticipation, de vision et tout simplement d’ambition à ce sujet.
Nous appelons la Ville de Dijon à suspendre cette mesure avant sa mise en application et à créer un espace de dialogue et de concertation, avec les différentes associations et collectifs concernés, afin de construire des solutions qui permettront à chacun-e de vivre la rue de la Liberté de manière sereine.