Réuni en séance plénière le lundi 16 juin 2025, le Conseil Départemental de la Côte-d’Or a adopté une position ferme concernant la gestion du Revenu de Solidarité Active (RSA). Confronté à une hausse constante des bénéficiaires et à des réformes nationales aux conséquences budgétaires non compensées, le Département annonce une mesure forte : le gel de la revalorisation du RSA tant que l’État ne prend pas ses responsabilités financières.
Une crise budgétaire structurelle dénoncée
Depuis plusieurs années, les Départements, garants de la solidarité sociale de proximité, dénoncent une forme de désengagement progressif de l’État. En cumulant des décisions unilatérales et des compensations incomplètes, ce dernier fait peser sur les collectivités locales une charge toujours plus lourde. Le constat dressé par le Président du Conseil Départemental est sans appel : 5,5 milliards d’euros de dépenses sociales transférées aux Départements sans financement, alors que leurs recettes ont chuté de 8 milliards sur la même période.
Au cœur de cette impasse : les Allocations Individuelles de Solidarité — RSA, Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), Prestation de Compensation du Handicap (PCH) — dont le poids dans les budgets départementaux devient de plus en plus difficile à maîtriser. Et pour cause : leur montant et leurs conditions d’accès sont fixés par l’État, sans laisser de marge d’ajustement aux collectivités.
Le RSA en Côte-d’Or : des chiffres en tension
En Côte-d’Or, 10 293 personnes bénéficient du RSA au 30 mars 2025, soit une hausse de 1,3 % depuis le début de l’année. Il s’agit du niveau le plus élevé depuis mai 2022. L’augmentation est particulièrement marquée chez les plus de 62 ans (+17,1 % en un an), conséquence directe de la réforme des retraites qui reporte l’accès aux droits à la retraite, laissant un vide que le RSA vient combler.
La baisse du nombre de bénéficiaires cumulant RSA et prime d’activité (–9 % entre novembre 2024 et mars 2025) est un autre indicateur préoccupant : de nombreux allocataires perdent leur activité partielle et basculent vers une précarité totale, ne percevant plus que le RSA à taux plein.
Parallèlement, les appels de fonds mensuels adressés au Département par les caisses de sécurité sociale (CAF et MSA) ont grimpé en flèche, atteignant en moyenne 5,3 M€ sur le début de l’année 2025, contre 4,9 M€ l’année précédente.
Le budget RSA 2024 s’élevait à 61,11 M€, et celui prévu pour 2025 à 61,5 M€. Mais la dynamique actuelle laisse présager un dépassement de ces prévisions. La revalorisation de 1,7 % du RSA décidée au 1er avril 2025, sans compensation de l’État, représente 630 000 € supplémentaires à la charge du Département cette année, et 1,4 M€ en année pleine.
Une politique d’insertion ambitieuse mais fragilisée
Le Département ne se contente pas de verser des allocations : il agit depuis 2019 pour favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires. La Stratégie Insertion Emploi Côte-d’Or, votée en 2023 et cosignée par plus de 25 partenaires (organismes de l’emploi, chambres consulaires, associations…), incarne cet engagement fort pour l’autonomie des publics éloignés de l’emploi.
L’expérimentation « France Travail », lancée sur les territoires de Genlis et Beaune, a permis une baisse de 12,9 % du nombre de bénéficiaires sur ces zones, quand le reste du département voyait une hausse de 2,5 %. 1 044 retours à l’emploi ont été recensés, dont 464 sur des emplois durables. Un succès qui aurait dû inciter l’État à accompagner la généralisation du dispositif… mais qui n’est soutenu financièrement que dans les limites du financement initial de l’expérimentation.
Réformes nationales : des décisions sans filet de sécurité
En plus de la revalorisation du RSA, plusieurs réformes nationales accentuent les difficultés :
- La réforme des retraites, qui retarde l’âge de départ légal à 65 ans, maintient des personnes dans le RSA alors qu’elles pourraient bénéficier d’une pension.
- La réforme de l’assurance chômage, avec une dégressivité accélérée des droits, provoque une entrée plus rapide dans le dispositif RSA.
- La « solidarité à la source », lancée en mars 2025, modifie les modalités de déclaration de ressources. Expérimentée sur une courte période (5 mois dans seulement 5 départements), elle n’a pas été évaluée de manière fiable quant à ses conséquences budgétaires ou ses effets sur le non-recours.
Pour les élus de Côte-d’Or, ces réformes sont symptomatiques d’un État qui décide sans mesurer les impacts sur les collectivités locales.
Une mesure forte : bloquer la revalorisation RSA
Face à cette accumulation de décisions non financées, la Commission Exécutive de Départements de France a appelé dès avril dernier à refuser toute dépense nouvelle imposée unilatéralement par le Gouvernement sans compensation intégrale.
Le Conseil Départemental de la Côte-d’Or a donc pris une décision symbolique et concrète : geler le versement de la part correspondant à la revalorisation de 1,7 % du RSA tant que l’État ne compensera pas cette hausse. Une provision budgétaire de 630 000 € sera constituée à cet effet, pour ne pas déséquilibrer les comptes.
« Nous ne pouvons plus continuer à porter seuls des décisions qui relèvent de la solidarité nationale. Ce n’est pas au Département de se substituer à l’État sans aucune garantie », a déclaré le Président du Conseil Départemental.
Un appel à un vrai pacte de solidarité
L’Assemblée a pris acte du rapport et validé la mesure de provision, appelant l’État à réengager un dialogue sérieux sur le financement des politiques sociales.
Le Département de la Côte-d’Or, à l’instar de nombreuses autres collectivités, réclame un nouveau pacte de solidarité, fondé sur un respect des compétences, une évaluation sérieuse des réformes, et surtout un financement à la hauteur des responsabilités imposées.