Le vendredi 8 août 2025, à 13 h 30, le célèbre boxeur dijonnais Bilel Latreche, 38 ans, faisait face au tribunal correctionnel de Dijon. Fort d’un palmarès impressionnant – onze titres et ceintures à son actif –, il devait cette fois répondre non pas sur un ring, mais devant la justice, pour des faits présumés de violences conjugales remontant au 17 février 2025, vers 16 heures. Ce jour-là, il avait été interpellé par la brigade anticriminalité, placé en garde à vue, puis relâché sous contrôle judiciaire.
Convoqué pour 13 h 30, Bilel Latreche est arrivé accompagné de son avocat, Jean-Philippe Morel, également 19ᵉ adjoint au maire de Dijon, en charge des Anciens combattants, du devoir de mémoire, de l’engagement citoyen et de la défense nationale.
Le boxeur, tiré à quatre épingles, portait un costume noir impeccable, une chemise blanche, une cravate noire et des chaussures de ville assorties. Une allure solennelle, presque funèbre, qui pouvait faire penser à un enterrement… Peut-être pressentait-il déjà l’issue du verdict.
Mais avant de connaître la décision du tribunal, il a dû patienter. Et longtemps. Car, bien que convoqués à 13 h 30, lui et son épouse n’ont vu l’audience débuter qu’à 18 h 43 précises, pour se clore à 21 h 57.
Ce vendredi 8 août 2025, nous étions bien loin de l’image soigneusement orchestrée par le boxeur dijonnais sur les réseaux sociaux. Dans ses vidéos en ligne, Bilel Latreche apparaît sûr de lui, excellent communicant – il faut le reconnaître. Pourtant, lorsqu’il s’est avancé à la barre, ce n’était pas d’un pas hésitant, mais avec un air quelque peu abasourdi de se retrouver dans ce tribunal. Il faut dire que, jusqu’alors, le boxeur présentait un casier judiciaire vierge.
La victime, quant à elle, fut accompagnée dans cette épreuve par Maître Chloé Bonnat et Maître Ladice De Magneval, ainsi que par France Victimes 21. De 13 h 30 à 18 h 43, heure du début du procès, elle resta assise, la tête baissée, attendant l’ouverture de l’audience.
16–17 février 2025 : la dispute qui dégénère
Le juge commencera par rappeler les faits face à Bilel Latreche, qui, selon toute vraisemblance, n’était pas très à l’aise à la barre — ce qui, vu le contexte, peut se comprendre.
La veille des faits, Bilel Latreche rend visite à sa mère. Au domicile, Mina dit percevoir, au retour de son mari, un comportement « différent ». Elle voit ensuite surgir deux notifications bancaires sur un téléphone, dont une du Crédit Mutuel. Aux questions qu’elle dit lui avoir posées, la réponse aurait claqué : « Ça ne te regarde pas. »
Le lendemain matin, elle lui annonce sa décision : à son retour du travail, il devra avoir quitté les lieux. À 12 h 50, en rentrant, Mina le trouve allongé, un ordinateur sur les genoux. La confrontation repart : excuses exigées par l’un, refus opposé par l’autre. Puis Mina commence à sortir ses affaires du placard et les jette au sol. Il veut emporter des valises ; elle s’y oppose et propose des sacs-poubelle.
Dans ce climat, elle accuse Bilel Latreche de l’avoir insultée — y compris sur sa vie intime passée — et d’avoir fait basculer la dispute dans le physique : poussée au niveau des épaules, chute en arrière près des escaliers, clé de bras, torsions de poignets et choc à la tête contre un cadre de porte.
Bilel Latreche à deux doigts du malaise
Après avoir rappelé les faits, le juge a commencé à poser plusieurs questions à Bilel Latreche pour éclaircir le déroulement du 17 février 2025. Au bout de 51 minutes d’audience, alors qu’il répondait à une question, le boxeur dijonnais a soudain déclaré : « Je ne me sens pas bien, j’ai la tête qui tourne, Monsieur le président. »
Le président l’a immédiatement invité à s’asseoir, ce qu’il a fait pour éviter de tomber. Après quelques minutes de pause, le temps que le prévenu reprenne ses esprits, l’interrogatoire a pu reprendre. L’incident a laissé planer un instant la crainte que le procès ne puisse aller jusqu’au bout.
Intervention de la police et constats médicaux
À 15 h 35, la police est requise au domicile. Les agents constatent des rougeurs sur le cou de la plaignante. Un examen médico-légal est pratiqué : tuméfactions au crâne, contusions, douleurs à l’épaule gauche. L’incapacité totale de travail (ITT) est fixée à 21 jours.
La plaignante mentionne un antécédent en mars 2024 (torsion de bras liée à un téléphone, bousculade sur un lit). Le juge dira lors du rappel des faits : « Elle a indiqué que vous aviez déjà pu être violent par le passé, en mars 2024 […] Vous lui auriez à nouveau tordu le bras pour lui prendre le téléphone qu’elle voulait regarder. Puis vous lui aviez pris les avant-bras en la poussant et en la jetant sur le lit. Elle faisait, entre autres, état de violences verbales récurrentes, d’insultes et de nombreux dénigrements de votre part dans la relation de couple. »
La scène du “cintre” et le contrôle du téléphone
Au cœur de l’audience, une séquence focalise les débats : la prise en main d’un cintre par la victime, la menace alléguée, puis la reprise de l’objet par le prévenu, qui dit l’avoir brisé.
La défense soutient que cet épisode s’inscrit dans une dynamique de légitime défense : l’objet serait une arme par destination et le geste du prévenu n’aurait visé qu’à désarmer et neutraliser. La partie civile réplique que ce point ne saurait occulter le verrouillage de la sortie et les gestes d’emprise décrits par la victime, dont la clé de bras et les pressions au cou.
« Fenêtre téléphonique » et appel à l’aide
Autre moment saillant : un appel entrant sur le téléphone de la victime — émis par une salariée — est décroché par Bilel Latreche. La victime affirme en avoir profité pour crier : « Au secours, appelle la police ».
Pour l’accusation, cette irruption imprévisible dans la scène domestique constitue une « fenêtre » qui a permis l’appel à l’aide, incompatible avec l’idée d’une simple comédie. Peu après, les forces de l’ordre interviennent.
À la barre : la version de la victime
Devant le tribunal, la victime livre un récit dense. Elle dit avoir été poussée dans l’escalier, saisie par les épaules, retenue à l’intérieur alors qu’elle tentait de sortir avec ses sacs, puis « étranglée » et maîtrisée par une clé de bras. Elle se dit « très effrayée », rapporte des insultes récurrentes et une humiliation pesante, tout en détaillant la place névralgique de son téléphone (gestion des crèches, salariés, urgences) et de l’ordinateur. Elle évoque également des soupçons de tromperie, des sextos et un sentiment d’opacité sur la vie de son mari.
« J’ai été victime de violences conjugales, il m’a battue, il m’a malmenée, il m’a étranglée », dira la victime à la barre, en pleurs, encore extrêmement perturbée par les faits qu’elle dit avoir subis. Puis elle dira devant le juge : « Il m’a jetée au sol […] quand il m’a étranglée, c’est justement quand j’ai voulu sortir de la maison. »
Elle poursuivra : « Je me fais insulter de “pute” parce que je suis marocaine. Vous connaissez les tensions entre l’Algérie et le Maroc ? Eh bien chez eux, c’est pareil. Quand il va chez sa mère, il ne me dit rien, il a changé. C’est tout le temps des histoires d’argent […] tout le temps des choses comme ça ! J’apprends les choses soit par les réseaux sociaux… il ne me dit jamais rien, je ne sais jamais rien. Je ne sais pas ce qui se passe, il me cache tout ! Il achète une voiture à sa mère, je l’apprends par la force des choses ! Je ne sais rien de sa vie, je ne sais pas combien il gagne, je n’ai jamais reçu un courrier de La Poste. Tous ses courriers — relevés de banque, fiches de paie — arrivent chez sa mère. Je ne sais rien ! Je n’ai accès à rien ! »
D’un air dépité, elle ira jusqu’à dire : « Je ne me suis jamais sentie aussi seule depuis que j’ai été en couple avec lui ! Il échangeait des textos avec une femme, avant que je le mette à la porte en avril. Il a couché avec elle sur la période où on n’était plus ensemble pendant six semaines […] Il est tout le temps sur son téléphone, son téléphone est toujours en mode avion à la maison, son téléphone est toujours caché, il ne le pose jamais. Moi, il a accès à mon téléphone, il a accès à mon ordinateur portable. »
Elle ajoutera, en pleurs : « Qu’il ait pu écrire noir sur blanc que j’étais la honte, et que je décrédibilisais toutes les femmes qui avaient subi des violences conjugales, parce que pour lui, je n’en ai pas subi ! Je n’ai pas subi que des violences physiques, j’ai été humiliée, insultée : “je suis conne, je suis vilaine, je suis une pute à blancs, je suis une mécréante”, et j’en passe. C’était tout le temps […] pas assez musclée, pas assez ci, pas assez ça ! Je suis sortie avec une avocate, je suis sortie avec un mannequin, je suis sorti… tout le temps en train de me dénigrer ! »
La victime précisera également que c’est elle qui lui a demandé de quitter le domicile, qu’elle lui a demandé de partir, car elle n’était plus amoureuse et ne s’épanouissait plus dans cette relation. Son avocate, Maître Ladice De Magneval, indiquera aussi à la cour que la victime a demandé le divorce une semaine après les faits.
Jean-Philippe Morel, l’avocat de Bilel Latreche, ne prend pas de gants avec la victime
Le juge proposera à Jean-Philippe Morel, l’avocat de Bilel Latreche, de poser des questions à la victime, qui se trouve toujours à la barre. Celui-ci ne prendra pas de gants avec elle. Lors de ses échanges avec la victime, il ira jusqu’à la traiter de menteuse : « Cessez de mentir. »
La victime répliquera : « Bon, on n’est pas là pour ça, je suis une femme battue, j’ai été battue le 17 ! » L’avocat lui rétorquera : « Et lui, il a été battu avant 2024. » La victime répondra : « Il n’a pas porté plainte. » Jean-Philippe Morel répliquera d’un ton ferme : « Si, il a porté plainte le 1er juillet. » La victime rétorquera : « Un mois et une semaine avant le procès ! »
À la barre : la version de Bilel Latreche
Le prévenu conteste tout étranglement. Il concède des « bousculades », affirme avoir posé la main au niveau du cou pour « garder une distance » sans serrer, et évoque une blessure à son propre poignet. Il soutient n’avoir cherché qu’à récupérer un ordinateur de travail contenant des dossiers sensibles.
À propos du cintre, il explique avoir intercepté l’objet alors que la victime effectuait des gestes de menace, et l’avoir brisé pour empêcher tout usage. Sur le fond, il décrit une relation devenue « toxique », faite de tensions et d’échanges verbaux dégradants dans les deux sens.
Enregistrements, messages et « médiation » familiale
La juridiction s’est également intéressée aux enregistrements que le prévenu reconnaît avoir effectués lors de certaines disputes « pour garder son calme ».
Une note vocale adressée au frère de Mina (« j’ai poussé deux fois ») a été versée au dossier, le prévenu évoquant une volonté d’informer une figure familiale perçue comme médiatrice.
Aux yeux du ministère public, ces éléments soulignent surtout une capacité d’organisation et de contrôle de sa propre image au cœur du conflit.
Le débat médico-légal : suçons ou équimoses pétéchiales ?
Le volet médical occupe un temps long. La défense soutient que certaines marques au cou pourraient s’expliquer par des suçons. Le ministère public relève au contraire des « équimoses pétéchiales » compatibles avec une compression, donc avec un geste de strangulation.
L’ITT de 21 jours est discutée : la défense la juge modeste et non déterminante, la partie civile y voit le signe d’un épisode violent et non d’une simple altercation verbale.
Les enfants et la question de l’école
Le tribunal s’arrête sur un point déclencheur : le matin des faits, Bilel Latreche n’accompagne pas les deux fillettes à l’école, alors qu’il le faisait habituellement.
Pour l’accusation, ce choix relève d’une « sanction » infligée à Mina afin de la faire réagir et la contraindre à revenir au domicile en urgence.
Pour la défense, le prévenu craignait surtout, en quittant les lieux, de ne plus pouvoir récupérer ses effets personnels, ce qui aurait compliqué la séparation.
Le ministère public : une violence caractérisée
Dans un réquisitoire appuyé, le parquet insiste sur la disproportion physique entre un boxeur professionnel et une femme non sportive, et sur la cohérence du faisceau d’indices : constats des policiers (rougeurs au cou), certificats du légiste, récit de la plaignante, séquence de l’appel et de la « fenêtre » téléphonique.
La thèse d’une « mise en scène » est écartée ; l’argument de la légitime défense est jugé inopérant.
Le ministère public décrit un geste d’emprise (empêcher la sortie, maîtriser physiquement) et requiert la reconnaissance de violences par conjoint.
La partie civile : “Donnez-lui sa qualité de victime”
Pour l’avocate de la victime, la journée s’inscrit dans un continuum de dénigrements et d’humiliations. Elle décrit une stratégie de « punition » (l’épisode de l’école), des gestes d’emprise et une escalade où l’intime et le contrôle des outils de communication jouent un rôle central.
Elle dépasse le duel de versions pour réclamer une reconnaissance claire du statut de victime de sa cliente, provision à la clé et prise en compte des frais engagés.
La défense : une altercation mutuelle et une enquête lacunaire
L’avocat de Bilel Latreche plaide l’altercation réciproque dans un contexte de séparation tumultueuse. Il conteste l’interprétation des traces au cou, met en balance les « bousculades » que le prévenu admet, et insiste sur des auditions manquantes (proches, ex-conjoints, collègues) qui auraient pu, selon lui, éclairer des zones d’ombre.
Il rappelle l’absence d’antécédent judiciaire du boxeur, sa maîtrise de soi supposée, et argue d’une réaction proportionnée face à une menace supposée (le cintre), loin d’un passage à tabac.
Il dénonce enfin l’emballement médiatique et ses préjugés attachés à l’image du « boxeur forcément violent » :
« Il est menacé, insulté, déjà jugé et condamné sur les réseaux sociaux. Parce qu’il est boxeur ? À Dole, où il travaille, il y a même des banderoles diffamantes, de fausses informations qui circulent. Qui manipule habilement tout cela ? »
Hors les murs : réseaux sociaux et réputation
Depuis les faits, l’affaire a pris de l’ampleur sur les réseaux : vidéos, publications, slogans dans l’espace public. La défense accuse un « tribunal médiatique » d’avoir souillé l’image de son client ; la partie civile rétorque qu’elle n’a pas orchestré cette campagne. Reste que la pression extérieure s’invite dans la salle d’audience, où chacun défend sa vérité sur la même journée.
Le verdict
Le tribunal correctionnel de Dijon a reconnu Bilel Latreche coupable de faits de violences conjugales à l’encontre de sa femme.
À l’issue des débats, la peine principale prononcée a été de six mois de prison intégralement assortis d’un sursis simple.
Deux sanctions complémentaires s’ajoutent :
- l’interdiction, le cas échéant, de percevoir une pension de réversion ;
- l’inéligibilité pour une durée de deux ans.
Sur le plan civil, il devra verser 800 euros en réparation des préjudices subis par la victime et 600 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.
Lors de ce procès, il a été dit que M. Bilel Latreche appartenait à la haute sphère de la franc-maçonnerie, ce qu’il n’a pas contesté tout au long de l’audience. Une question se pose alors : comme la rumeur le laisse entendre, Bilel Latreche fait-il partie de la loge « La Toison d’Or » n°823 GL-AMF à l’Orient de Beaune ? Nous ne sommes, pour le moment, pas en mesure de répondre à cette question.
Une chose est certaine : franc-maçonnerie ou pas, il a été reconnu coupable en première instance. Il est à noter que Bilel Latreche a décidé de faire appel de ce jugement. Affaire à suivre…