Le Conseil de prud’hommes est saisi d’un dossier opposant un salarié à la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) de Chenôve. Embauché en 2022 dans le cadre d’un contrat « adulte-relais » en qualité de médiateur socio-culturel, le salarié affirme n’avoir en réalité jamais exercé de fonctions de médiation, mais bien celles… de mécanicien vélo. Son avocat, Maître Jean-Baptiste GAVIGNET, dénonce un détournement du dispositif destiné à percevoir indûment des aides publiques.
Un poste de médiateur… mais des missions de mécanicien
Selon les conclusions de Maître Gavignet, que nous nous sommes procurées, la MJC aurait inscrit de manière volontairement erronée l’intitulé de poste de ce salarié dans ses contrats de travail afin de bénéficier du financement prévu par le dispositif adulte-relais, réservé aux missions de médiation sociale et culturelle.
Sur les contrats de travail que nous avons pu consulter, il est bien mentionné à l’article 2 – FONCTION : « Monsieur ….. …… exercera la fonction de médiateur socio-culturel sous l’autorité hiérarchique de la Direction. Monsieur ….. …… est classé au groupe C de la convention collective, coefficient 280. »
Or, l’analyse détaillée des plannings de l’intéressé montrerait qu’il a consacré près de 90 % de son temps à la réparation, à la vente et à la récupération de vélos au sein de la « Boîte à Vélo », une structure dépendante de l’association bien connue à Chenôve. Des attestations de clients, de collègues et de partenaires confirment qu’il exerçait effectivement comme réparateur de cycles.
La demande de requalification en CDI
En droit, explique son conseil, l’absence de véritables missions de médiation rend illégale la conclusion d’un CDD dans le cadre du dispositif adulte-relais. Le principe du contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein doit donc, selon lui, prévaloir. Le salarié réclame ainsi la requalification de son contrat en CDI dès le 1er mars 2022, ainsi que le paiement d’une indemnité de requalification de plus 1 800 euros.
Sécurité et conditions de travail en cause
Le salarié met également en avant un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur. Travailleur reconnu handicapé, il aurait exercé ses fonctions sans aménagement adapté, ce qui aurait entraîné un accident du travail en avril 2022 (un vélo lui étant tombé sur la main). Aujourd’hui encore, il souffrirait de séquelles et fait l’objet d’un suivi psychologique. Pour ce préjudice, il demande 10 000 euros de dommages et intérêts.
Une affaire suivie de près
Estimant que la relation de confiance avec son employeur est irrémédiablement rompue, le salarié a saisi la justice afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, laquelle produirait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. À ce titre, il réclame notamment 1 892,66 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 189,27 € brut pour les congés payés afférents, 512,60 € net d’indemnité légale de licenciement, ainsi que 3 785,31 € net de dommages et intérêts. Il demande également la remise de ses documents de fin de contrat (certificat de travail et attestation Pôle emploi). Enfin, son avocat sollicite une somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, destinée à couvrir les frais engagés.
De son côté, la MJC soutient, dans ses conclusions responsives, que les missions confiées au salarié relevaient bien de la médiation socio-culturelle. Elle conteste toute fraude au dispositif « adulte-relais » et fait valoir que les tâches liées au vélo s’inscrivaient dans le cadre d’un projet social plus global.
Selon la convention Adulte-Relais signé entre la Préfecture de Côte-d’Or et la Maison des Jeunes et de la Culture de Chenôve (MJC), le montant annuel de l’aide par poste à temps plein été tout même 19 349.15 €.

Contacté, le salarié nous a confirmé avoir reçu trois propositions financières de la part de la MJC de Chenôve. Sur les conseils de son avocat, il les a toutes refusées, estimant qu’elles n’étaient pas à la hauteur du préjudice subi.
Une question demeure : pourquoi la MJC de Chenôve a-t-elle pris l’initiative de formuler trois propositions financières à ce salarié, alors qu’elle affirme, dans ses conclusions, avoir agi dans son bon droit en lui proposant un contrat « Adulte-Relais » ?
Nous avons pris soin de contacter Cécile Ponsot, directrice de la MJC de Chenôve, afin de lui poser plusieurs questions :
- Combien de salariés sont actuellement employés sous contrat « adulte-relais » au sein de la MJC de Chenôve ?
- Dans les conclusions de votre conseil (SELARL Llamas Associés), vous contestez l’ensemble des accusations portées par Monsieur Kadri et son avocat. Toutefois, vous avez formulé trois propositions financières à ce salarié. N’est-ce pas contradictoire ?
- Pourquoi ne pas avoir embauché Monsieur Zied Kadri directement en tant que mécanicien vélo ? L’objectif était-il de modifier l’intitulé de poste dans ses contrats de travail afin de bénéficier du financement réservé au dispositif « adulte-relais », dédié aux missions de médiation sociale et culturelle ?
À l’heure où nous prenons l’initiative de publier notre article, celle-ci n’avait pas encore répondu à nos sollicitations. Le Conseil de prud’hommes devra trancher sur la qualification réelle du poste et les manquements invoqués par le salarié. Une décision très attendue, tant elle soulève la question sensible de l’usage des contrats aidés et du respect de leur cadre légal.