Débuté normalement au mois de mars, le scrutin avait été profondément bouleversé par la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. Le premier tour s’était tenu le 15 mars, en pleine montée de l’épidémie, tandis que le second tour avait dû être reporté au 28 juin, une situation inédite sous la Ve République. Entre-temps, la campagne avait été suspendue durant plusieurs mois, rythmée par les incertitudes sanitaires et les contraintes liées aux restrictions de rassemblements.
Cette configuration exceptionnelle avait marqué un tournant dans la vie démocratique locale. La participation, en forte baisse, avait témoigné de la difficulté d’organiser un scrutin dans un tel contexte, et de l’inquiétude des électeurs face à la pandémie.
La crise des affrontements à Dijon
À ce climat déjà tendu est venue s’ajouter la crise dite « des Tchétchènes ». Du 12 au 15 juin 2020, la ville de Dijon avait été le théâtre d’affrontements violents entre jeunes issus de la communauté maghrébine et groupes tchétchènes. Par centaines, ces derniers avaient convergé vers la capitale bourguignonne après l’agression de l’un des leurs, déclenchant des scènes aux allures de guérilla urbaine. Le bilan faisait état de 20 blessés, dont 2 graves.
La tension avait finalement trouvé une issue le 16 juin, lors d’une rencontre organisée dans le jardin de la mosquée de la Fraternité à Quétigny. Une quinzaine de représentants des deux communautés s’étaient réunis, en présence du père du jeune homme agressé. Sous l’égide de l’imam Mohammed Ateb, professeur de mathématiques et représentant régional de Musulmans de France, et d’un imam tchétchène venu de Dole, un accord avait été trouvé, mettant un terme aux incidents.
Entre le Covid-19 et les affrontements de Dijon, les municipales de 2020 apparaissent donc, rétrospectivement, comme un scrutin hors norme.
François Rebsamen réélu dans un climat tendu
Réélu maire de Dijon le 28 juin 2020, François Rebsamen s’était exprimé, sur le plateau de France 3 Bourgogne, dans un climat particulièrement tendu. Face aux journalistes, il avait tenu à rappeler le contexte inédit de cette campagne et à dénoncer les attaques dont il estimait avoir été la cible.
« Je me permets de le dire, la figure du prochain conseil municipal sera exactement la même que celle il y a six ans, sauf que M. Bichot, il le mérite bien, aura avalé l’extrême droite », avait-il déclaré d’emblée, accusant son adversaire d’avoir mené une campagne « ignominieuse ». Il poursuivait : « Je n’ai rien dit jusqu’à présent, mais à partir de demain, les plaintes tomberont pour tout propos, qui sera contraire à la vérité. »
Le maire de Dijon avait particulièrement insisté sur les accusations jugées mensongères visant l’un de ses colistiers : « Je pense notamment à mon ami élu, Hamid El Hassouni, qui a été accusé par les syndicats de policiers aussi d’avoir participé à des manifestations contre les policiers, ce qui est faux, totalement faux. Ça a été repris par les soi-disant ténors de la droite locale, François Sauvadet, etc. Donc je suis très content de leur défaite. »
Pour François Rebsamen, ses opposants avaient commis « l’erreur de leur stratégie », en tentant de marcher sur « les plates-bandes de l’extrême droite ». Selon lui, Emmanuel Bichot avait « progressé avec les voix largement de toute l’extrême droite, grâce à la problème des tchétchènes qui sont venues », un phénomène sur lequel « il a surfé ».
Très offensif, le maire réélu dénonçait encore : « Donc c’est une campagne ignominieuse de dénonciation. Il a même pensé que je gérerais Dijon avec les caïds. Il l’a dit. Vous imaginez, je n’ai pas dit un mot, donc j’ai laissé faire les choses. » Mais il prévenait ses opposants qu’il n’entendait plus rester silencieux : « À partir de demain, le tribunal, pour tout propos qui sera… » Interpellé sur le plateau, il précisait alors : « Je dis “à partir de demain”, je n’ai pas dit ça, j’ai dit “à partir de demain”. » Avant d’ajouter : « Pour tout propos qui sera contraire à la vérité, plainte en diffamation, il l’aurait bien mérité déjà pour les caïds. Et à partir de demain, la campagne sera finie. »
Ces déclarations, tenues le soir même de sa victoire, illustraient la tension politique qui avait entouré les municipales de 2020 à Dijon, dans un climat marqué à la fois par la crise sanitaire et les affrontements communautaires qui avaient secoué la ville quelques jours avant le second tour.
Vers des municipales 2026 plus apaisées ?
À Dijon comme ailleurs, les municipales de 2020 auront été marquées par un enchaînement de crises inédites. À l’approche du scrutin de mars 2026, toutes et tous espèrent un retour à la normale et une campagne apaisée. Mais, comme l’a montré l’histoire récente, un imprévu peut toujours venir bousculer la vie démocratique locale…