Il y a des affaires de corruption, de détournement de fonds, de violences urbaines… et puis il y a Ouges, son maire, et ses lapins. Ce lundi 6 octobre, le tribunal de Dijon a rouvert le dossier le plus champêtre — et sans doute le plus surréaliste — de l’année : la destruction de trois hectares de plants de moutarde par une armée de lapins de garenne.
Oui, des lapins. Pas des sangliers, pas des tracteurs fous, pas même une grêle sournoise. Des boules de poils innocentes qui, selon un producteur local, auraient méthodiquement rasé son champ de moutarde au printemps dernier, laissant derrière elles un paysage de désolation et un producteur au bord de la crise de nerfs.
Moutarde contre lapins : le duel bourguignon
Le plaignant, producteur de moutarde depuis plusieurs années à Ouges, pointe du doigt deux coupables : la commune, propriétaire d’une ancienne décharge devenue, semble-t-il, Club Med pour lapins, et Voies Navigables de France (VNF), gardienne des berges du canal de Bourgogne, autre haut-lieu supposé de garennes vagabonds.
Après une première expertise « à l’amiable » (le mot fait sourire, vu le contexte), VNF a versé 4 600 euros, soit les deux tiers du préjudice estimé. La commune, elle, a refusé toute responsabilité. Son maire, Jean-Claude Girard, argumente avec un calme lapidaire : « Nous avons donné un bail de chasse à la société locale. Donc, en tant que propriétaire, nous sommes dégagés de toute responsabilité. » En résumé : « On a fait le nécessaire, maintenant c’est au fusil de parler. »
Les lapins d’Ouges : sans papiers ni GPS
Mais la défense municipale ne s’arrête pas là. L’avocat de la commune, maître Jean-Philippe Morel, est allé plus loin dans la métaphore zoologico-juridique : « Les lapins n’ont pas de papiers, pas de carte GPS… Il est impossible de déterminer leur domicile légal. »
Une phrase promise à devenir culte dans les couloirs du tribunal de Dijon. Selon lui, « la procédure est loufoque », et les véritables coupables « venaient sans doute des berges du canal ». Autrement dit, les rongeurs incriminés n’auraient fait que traverser la commune pour un en-cas de moutarde avant de rentrer dormir chez VNF.
Un débat de haute volée : d’où venaient les lapins ?
C’est là que tout se complique. Car comment, en 2025, prouver la provenance géographique de lapins de garenne ? Faudra-t-il un jour équiper les terriers de caméras thermiques ? Organiser des tests ADN sur les crottes laissées entre deux plants de moutarde ?
Les experts mandatés devront bientôt trancher — peut-être à la loupe — pour déterminer si ces lapins étaient citoyens d’Ouges ou résidents temporaires du canal. Une question à laquelle la justice répondra le 5 janvier 2026, date fixée pour la décision sur une nouvelle expertise.
En attendant, les lapins se marrent
Pendant ce temps, les principaux intéressés — les lapins eux-mêmes — continuent de vaquer à leurs occupations, ignorant sans doute qu’ils sont au cœur d’une bataille judiciaire. Les habitants d’Ouges, eux, oscillent entre consternation et fou rire. Certains proposent déjà d’organiser un « Festival du Lapin et de la Moutarde », histoire de transformer le désastre en folklore local.