Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, a reçu ce matin le rapport stratégique qu’il avait confié à deux hauts magistrats spécialistes des violences intrafamiliales : Gwenola Joly-Coz, première présidente de la cour d’appel de Papeete, et Éric Corbaux, procureur général près la cour d’appel de Bordeaux. Ce document, très attendu, doit dessiner les évolutions à venir dans la lutte contre les violences au sein des familles, un domaine que le Gouvernement qualifie de « priorité absolue ».
Commandé dans la continuité des mesures adoptées depuis le Grenelle des violences conjugales de 2019 et du Plan rouge VIF de mai 2023, ce rapport vise à proposer des outils concrets pour améliorer le traitement judiciaire des violences faites aux femmes, aux enfants et, plus largement, aux victimes d’agressions intrafamiliales.
Un rapport qui inspire une refonte de la politique de lutte contre les violences intrafamiliales
Selon les informations communiquées par le ministère de la Justice, Gérald Darmanin entend retenir plusieurs propositions phares du rapport Joly-Coz / Corbaux. Ces mesures constituent un ensemble cohérent de réformes destinées à simplifier, accélérer et renforcer la réponse judiciaire.
Vers la création d’un “code des violences intrafamiliales”
Parmi les annonces les plus structurantes, figure la volonté de créer un code des violences intrafamiliales. Ce futur texte regrouperait l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires relatives à ces violences, aujourd’hui éparpillées entre plusieurs codes (pénal, civil, procédure pénale, santé publique…).
Objectif affiché :
- offrir une meilleure lisibilité du droit,
- favoriser la cohérence des mesures de protection,
- et faciliter l’action des services judiciaires, sociaux et policiers.
Une nouvelle ordonnance de sûreté pour protéger plus rapidement les mineurs
Le rapport recommande également l’introduction d’une ordonnance de sûreté pour les mineurs, intégrée au futur projet de loi SURE. Cette mesure permettrait de mettre immédiatement à l’abri les enfants exposés à des violences ou des conflits familiaux graves, sans attendre les longs délais habituellement nécessaires pour statuer sur leur protection. Pour le ministère, il s’agit d’une avancée décisive : « La sécurité des enfants doit primer en toutes circonstances. »
Un “juge des violences intrafamiliales” expérimenté dans plusieurs juridictions
Autre innovation majeure : l’expérimentation d’un juge des violences intrafamiliales, ainsi que de chambres spécialisées entièrement dédiées à ces dossiers. Ces nouveaux dispositifs permettraient :
- la tenue d’audiences communes pénal/civil,
- une réduction du nombre d’audiences imposées aux victimes,
- une meilleure coordination entre mesures de protection et poursuites pénales,
- une justice plus rapide, plus lisible et moins traumatisante.
Une réforme que de nombreuses associations réclamaient depuis longtemps, en raison de la complexité actuelle des parcours judiciaires.
Revoir le critère de l’ITT : un changement majeur pour les victimes
Le ministère souhaite également repenser le rôle de l’ITT (interruption temporaire de travail) dans l’évaluation des violences. Actuellement, ce critère est déterminant pour qualifier pénalement les faits et orienter les poursuites. Le rapport recommande de substituer à ce système une nouvelle évaluation, plus complète et plus adaptée, prenant mieux en compte :
- les traumatismes psychologiques,
- les violences répétées,
- les répercussions sur les enfants témoins ou co-victimes,
- et plus globalement, la réalité complexe des violences intrafamiliales.
Cette évolution pourrait profondément modifier la manière d’apprécier la gravité des violences et de déterminer les suites judiciaires.
Une dynamique politique réaffirmée
En rendant public ce rapport et en annonçant les premières mesures retenues, le ministère de la Justice confirme une orientation forte : renforcer les outils juridiques et améliorer la protection des victimes. Ces annonces s’inscrivent dans une stratégie plus vaste engagée depuis plusieurs années, marquée notamment par :
- la généralisation du téléphone grave danger (TGD),
- l’extension des ordonnances de protection,
- le bracelet anti-rapprochement,
- et la priorité donnée aux violences conjugales dans les parquets.
Le garde des Sceaux a salué le travail mené par les deux magistrats, et indiqué que la diffusion du rapport permettra d’ouvrir une large concertation.
