La session des 11 et 12 décembre 2025 s’est ouverte par un discours dense de Jérôme Durain, président de la Région Bourgogne–Franche-Comté, marqué à la fois par l’émotion, la prudence budgétaire et la volonté de maintenir un cap ambitieux malgré un contexte national contraint.
Un hommage appuyé à Jean-François Humbert, symbole d’éthique politique
Dès les premières minutes de son intervention, Jérôme Durain a souhaité rendre hommage à Jean-François Humbert, ancien président de la Région Franche-Comté entre 1998 et 2004. Il a rappelé l’entrée en politique régionale de celui-ci en 1986, puis son accession à la présidence du Conseil régional dans un contexte électoral particulièrement complexe, où aucune majorité claire ne se dégageait.
Durain a insisté sur un épisode marquant : l’élection de Humbert avec les voix de l’extrême droite, qu’il n’avait ni recherchées ni acceptées. L’ancien président avait alors immédiatement démissionné pour refuser toute connivence avec le Front National, un geste devenu emblématique de son intégrité et salué jusque sur la scène nationale.
Le discours a rappelé l’importance du rôle qu’il a joué dans les lycées, les CFA, son intérêt constant pour les besoins d’investissement, et son action en faveur de l’enseignement supérieur, notamment lors de la création de l’institut FEMTO en 2004.
Durain a également mis en lumière l’attachement de Humbert à la culture en milieu rural, et au sport, lui-même étant ceinture noire de judo et fidèle supporter du FCSM. Enfin, il a évoqué son engagement au Sénat et son implication dans la lutte contre le dopage. L’hémicycle a observé une minute de silence en sa mémoire.
La progression de la Dermatose Nodulaire Contagieuse : un appel à la responsabilité collective
Après cet hommage, Jérôme Durain a abordé la situation préoccupante liée à la Dermatose Nodulaire Contagieuse (DNC), qui a franchi un nouveau palier en frappant le département du Doubs. Il a expressément renouvelé la solidarité de la Région envers les éleveurs et agriculteurs dont les exploitations ont été touchées.
Il s’est dit regrettant l’embrasement de la situation à Pouilley-Français, où la tension a été forte. Sans se substituer aux scientifiques — « Je ne suis pas épidémiologiste, je ne suis pas scientifique » a-t-il rappelé —, il s’est fondé sur les explications fournies par la Direction générale de l’alimentation, laquelle indique que la stratégie appliquée a permis d’éradiquer le virus en Savoie malgré 80 cas détectés.
Durain a insisté sur la nécessité, dans cette période d’émotion, de respecter les règles, de faire preuve de sang-froid et de ne pas chercher à enflammer davantage la situation. Il a rappelé avoir relayé ce message au Sénat quelques jours plus tôt, lors d’une table ronde dédiée à la crise.
Un rapport d’urgence pour soutenir les éleveurs et préparer l’accompagnement de la filière
La Région votera, comme l’a annoncé le président, un rapport d’urgence destiné à compléter l’intervention de l’État. L’objectif est d’aider les agriculteurs à reconstituer leur cheptel, élément crucial pour éviter des pertes durables dans les exploitations.
Il a également évoqué une première réunion tenue dans le Jura où la Région, représentée par Christian Morel, a entamé un travail de concertation avec l’aval de la filière, notamment les coopératives. Durain a rappelé que les effets économiques d’une telle crise s’inscrivent sur le long terme et que l’expérience de la région voisine Auvergne-Rhône-Alpes doit servir d’alerte.
La Région se prépare donc à mobiliser ses outils économiques lorsque l’état des lieux sera stabilisé. Il a salué l’ouverture des conseils départementaux du Doubs et du Jura à un travail conjoint pour accompagner la profession.
Un marathon budgétaire dans un contexte national instable
Abordant ensuite le cœur de la session, Jérôme Durain a souligné que la Région se trouvait à une « nouvelle étape de notre marathon budgétaire ». Il a insisté sur le fait que le budget 2026 devait être construit sans visibilité complète sur le budget de l’État, dont les évolutions pourraient nécessiter des ajustements en 2026.
Il a rappelé que la version initiale du Projet de Loi de Finances prévoyait de prélever 55 millions d’euros sur les finances régionales, une mesure qui pèse lourdement sur les marges de manœuvre de la Bourgogne–Franche-Comté. Le président a reconnu que le budget présenté « n’est pas le budget idéal », mais reflète un effort pour préserver le volontarisme régional.
Un budget rigoureux, mais pas un budget de rigueur
Jérôme Durain a tenu à distinguer la rigueur nécessaire à la gestion d’un budget contraint d’un budget d’austérité, qu’il refuse. Grâce à la bonne gestion des années précédentes, la Région peut éviter de « sabrer des pans entiers de politiques publiques ».
La Région a toutefois dû travailler à réduire ses dépenses de fonctionnement, d’environ dix millions d’euros par rapport aux prévisions. Cela passe par :
- un recentrage sur les compétences strictement régionales,
- une prise en compte plus précise de la situation budgétaire des partenaires, notamment ceux disposant de fonds propres importants,
- des efforts supplémentaires demandés aux organismes satellites.
586 millions d’euros injectés dans l’économie : l’investissement comme moteur
Malgré le contexte, l’investissement reste élevé : 586 millions d’euros seront engagés en 2026. Durain rappelle que ce volume est « conséquent », même s’il faudra réviser les prévisions pour les années suivantes afin de s’adapter à la contraction budgétaire nationale.
Il insiste néanmoins : la Région conserve toute son ambition pour accompagner le développement du territoire et améliorer le quotidien des habitants.

Mobilités : une offre préservée malgré l’explosion des péages
Concernant les mobilités, Durain réaffirme que l’offre TER est préservée, contrairement à d’autres Régions qui ont réduit leurs dessertes. Il rappelle que cette décision est courageuse au regard des hausses imposées par SNCF Réseau sur les péages ferroviaires — des augmentations contre lesquelles la Région a engagé des actions en justice.
Il souligne également que seul un tiers de cette hausse est répercuté sur les tarifs des usagers, manière de souligner la part assumée par la collectivité.
Lycées : sécurité et rénovation au cœur des priorités
Les lycées continuent de constituer un pilier de l’action régionale. Pour 2026, 120 millions d’euros seront consacrés à la rénovation et à la sécurisation des établissements, un axe jugé essentiel face aux enjeux contemporains de sûreté et de qualité des infrastructures éducatives.
Formations sanitaires : l’État souffle le chaud et le froid
Dans le domaine sanitaire et social, Durain déplore les ambiguïtés de l’État mais assure que la Région maintient une intervention forte. Les instituts de formation accueilleront plus de 9 500 étudiants en 2026, confirmant la place importante de ce secteur dans les politiques régionales.
Formation professionnelle : un coup dur du retrait de l’État
Le président a présenté la situation comme un véritable choc : le retrait de l’État du financement du PRIC entraîne une perte de 10 millions d’euros, en plus de la ponction de 55 millions évoquée plus tôt.
La conséquence directe est que la Région devra acheter moins de formation et revoir la rémunération des stagiaires, tout en conservant des conditions plus favorables pour les jeunes de moins de 26 ans, particulièrement vulnérables.
Durain appelle les parlementaires à défendre le Pacte d’Investissement dans les Compétences, redoutant un désengagement encore plus important.
Un recentrage sur le cœur de métier : les demandeurs d’emploi
Le président annonce aussi la poursuite du recentrage sur les actions destinées aux demandeurs d’emploi, les dispositifs hors compétence régionale étant progressivement diminués.
Souveraineté économique : réindustrialisation, innovation et filières stratégiques
Durain définit la souveraineté comme une priorité dans un monde confronté à des tensions géopolitiques croissantes et à une relation transatlantique fragilisée. Il souhaite que la Région prenne son destin en main, en particulier sur les plans industriel et agricole.
Il cite plusieurs exemples concrets :
- la défense des filières automobile, hydrogène et biothérapies,
- l’innovation dans les PME,
- les 220 millions d’euros de fonds régionaux mobilisables, générant 80 millions injectés chaque année dans les entreprises,
- l’inauguration du site Vicky Foods à Chalon-sur-Saône,
- le soutien affiché à la filière hydrogène lors du forum H2,
- l’avancée de l’École nationale H2, projet inédit porté directement par une Région,
- le lancement du projet I-Nano T, consacré aux nanomédecines.
Il a également évoqué sa visite du site Arabelle à Belfort, symbole de la production d’équipements stratégiques pour les centrales nucléaires.
Agriculture et souveraineté alimentaire : reconstruire la confiance
La souveraineté alimentaire représente une autre priorité régionale. La Région a mis en place des soutiens spécifiques aux filières bovine et ovine et souhaite désormais s’engager vers des contrats à moyen terme afin de sécuriser les filières et d’offrir davantage de visibilité aux agriculteurs.
Durain reconnaît que le dossier du FEADER a laissé des tensions et que les inquiétudes restent légitimes. Il affirme rencontrer très régulièrement les organisations professionnelles agricoles pour construire une méthode rénovée, basée sur l’écoute, la transparence et une plus grande humanité.
Transition énergétique : réduire la dépendance et améliorer le pouvoir d’achat
Le président rappelle l’importance des politiques énergétiques : réduire la dépendance aux énergies fossiles, développer les énergies renouvelables, soutenir les réseaux de chaleur et poursuivre la rénovation énergétique.
Il en souligne les effets concrets : 2 500 logements sociaux rénovés, ce sont 2 500 foyers dont la facture énergétique diminue.
Attractivité résidentielle : une démarche collaborative déjà fructueuse
La Région mène une stratégie inédite en France, mobilisant 35 collectivités pour attirer de nouveaux habitants. Depuis le lancement du dispositif, 175 foyers ont choisi de s’installer en Bourgogne–Franche-Comté, représentant 375 personnes, dont 110 enfants scolarisés.
Plus de 1 250 personnes sont en cours d’accompagnement par des chargés d’accueil et la plateforme Venez vivre en Bourgogne–Franche-Comté compte déjà 12 000 inscrits depuis août.
Solidarité : transports scolaires gratuits, aides lycéennes et soutien aux territoires ruraux
Jérôme Durain réaffirme les valeurs de solidarité qui structurent l’action régionale :
- la gratuité des ressources pédagogiques et des transports scolaires, qui bénéficient à plus de 110 000 jeunes,
- les aides accordées aux familles pour la restauration et l’hébergement,
- les tarifs sociaux dans les mobilités,
- les aides aux étudiants (vie étudiante, bourses, allocations de thèse),
- le soutien aux territoires ruraux via les dispositifs C2R et ENVI.
Deux chantiers avancent également : la mutuelle régionale, pour laquelle des crédits sont déjà votés, et la future sécurité sociale de l’alimentation, dossier prioritaire pour 2026.
Une action internationale ouverte, au service de l’économie régionale
Jérôme Durain est revenu sur la journée de débat dédiée à l’action internationale, pilotée par Patrick Molinoz. Il a souligné l’importance des coopérations extérieures pour une région exportatrice et touristique, rappelant les chiffres clés :
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21,7 milliards d’euros d’exportations en 2024,
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430 entreprises accompagnées à l’international,
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4,9 milliards d’euros de retombées liées au tourisme, représentant 49 000 emplois.
Sécurité : une montée en puissance régionale
Le budget 2026 renforce nettement les actions en matière de sécurité. Pour les lycées, 2 millions d’euros supplémentaires financeront la sécurisation et des actions de prévention des addictions, notamment des consommations de stupéfiants.
La Région intégrera également les questions de sécurité dans ses contrats territoriaux, une nouveauté pour 2026.
Dans les trains, l’effort est massif : 25 millions d’euros financent la police ferroviaire (57 298 heures annuelles), la lutte anti-fraude et la vidéosurveillance, avec 460 caméras dans les trains et gares.
Enfin, la Région consacre 350 000 € au CSIRT (lutte contre la cybermalveillance) et 450 000 € à la protection de ses propres données.
Culture, sport et vie associative : des budgets sanctuarisés
Jérôme Durain se dit fier que la Région ne considère ni la culture, ni le sport, ni la vie associative comme des variables d’ajustement. Malgré les contraintes, le budget culture est sanctuarisé, une marque forte du mandat, et les soutiens aux associations et au sport sont maintenus.
Terrain, humilité, responsabilité : la méthode revendiquée
Le président met en avant une méthode politique :
- le terrain — il affirme avoir parcouru 20 000 km depuis le début du mandat,
- l’humilité — notamment dans les relations avec les agriculteurs, qui ont reconnu l’écoute de la Région,
- la responsabilité, privilégiant les solutions concrètes plutôt que les discours spectaculaires.
Il oppose cette approche à celles cherchant à instaurer le « chaos ». Il souligne qu’un sondage récent montre que six Français sur dix soutiennent une posture de stabilité et de travail partagé.
Faire connaître les fiertés régionales : un chantier symbolique pour 2026
Jérôme Durain annonce un chantier consacré aux « fiertés » de la région : initiatives locales positives, réussites industrielles, productions locales, performances sportives, culturelles et territoriales. Il cite notamment les Worldskills, qu’il ira saluer à Dijon.
Il se présente comme un « VRP de la Région, un patriote régional » déterminé à faire rayonner les réussites bourguignonnes et franc-comtoises.
Laïcité : une vigilance indispensable à l’occasion des 120 ans de la loi de 1905
Pour conclure, Durain évoque la laïcité, rappelant l’importance de défendre cet héritage républicain face aux interprétations dévoyées. La Région organise une exposition pédagogique à Dijon, destinée ensuite aux lycées, et un Rendez-Vous de Castan consacré au sujet se tiendra le 18 décembre à Besançon.
En clôture, le président a réaffirmé que, malgré les contraintes lourdes imposées à la collectivité, le budget 2026 préserve l’essentiel, investit massivement, renforce la souveraineté régionale, et continue de porter une vision ambitieuse pour les territoires et leurs habitants.
