L214, l’association de protection animale, a publié ce mercredi 24 juillet une nouvelle vidéo accablante montrant les pratiques d’abattage à l’abattoir Bigard de Venarey-les-Laumes, situé dans le département de la Côte-d’Or. Cette vidéo, filmée le 28 mai 2024, soit deux mois après la diffusion d’une première enquête en avril dernier, révèle que les conditions d’abattage des animaux n’ont guère évolué malgré les contrôles et audits promis par les autorités.
Conscience et souffrance : une réalité constante pour les animaux
Les images tournées lors de cette enquête montrent une réalité dramatique : sur 132 animaux abattus ce jour-là, 92 présentaient des signes évidents de conscience au moment de leur mise à mort selon L214. En abattage sans étourdissement, la réglementation impose que l’immobilisation des animaux soit maintenue jusqu’à l’état d’inconscience. Pourtant, les bovins tout juste égorgés étaient relâchés du box de saignée encore conscients, se débattant violemment sur la table d’affalage ou lorsqu’ils étaient suspendus par une patte. Ces scènes de souffrance illustrent un manquement grave aux réglementations en vigueur.
En abattage avec étourdissement, la réglementation impose que les animaux soient inconscients au moment de la saignée selon l’association L214. Cependant, les images montrent que certains animaux reprennent conscience après l’étourdissement au pistolet à tige perforante. Les signes de conscience relevés incluent le redressement de la tête et du tronc, des mouvements de tête orientée, le clignement des yeux, des mouvements volontaires des pattes et une respiration rythmique, autant de preuves d’une sensibilité à la douleur persistante.
Inefficacité des contrôles et silence de la direction de Bigard
Suite à la publication de la première enquête le 11 avril dernier, le préfet de la Côte-d’Or avait dépêché sur place le directeur départemental des services vétérinaires pour évaluer la situation et la nécessité de mettre en œuvre des mesures correctives. Pourtant, les services vétérinaires, présents quotidiennement dans cet abattoir, n’ont pas su faire respecter les normes de protection animale. Malgré l’annonce d’un arrêt provisoire des abattages rituels pour les veaux et les gros bovins « hors gabarit » en raison de matériel de contention inadapté, aucune mesure corrective substantielle n’a été observée.
Un audit par le référent national des abattoirs s’est déroulé les 15 et 16 avril, suivi d’un communiqué de la préfecture le 18 avril, affirmant qu’aucune anomalie de fonctionnement n’avait été constatée, bien que des « manquements concernant la sécurisation du procédé d’abattage rituel » aient été relevés. Ces propos, jugés énigmatiques par L214, n’ont conduit à aucune amélioration tangible sur le terrain.
L’État a ainsi donné l’impression d’une réaction rapide et intransigeante, alors qu’en réalité, les pratiques d’abattage sont restées inchangées. Cette inaction flagrante a poussé L214 à prendre des mesures plus drastiques.
Nouvelle plainte et appel à la fermeture immédiate
L214 a déposé une nouvelle plainte pour cruauté et mauvais traitements auprès du procureur de la République du tribunal judiciaire de Dijon. Une vidéo de 1 h 21, tournée le 28 mai et remise le 23 juillet au bureau du procureur, sert de preuve pour cette nouvelle plainte. L’association demande également au préfet de la Côte-d’Or la fermeture immédiate de l’abattoir en raison des infractions persistantes et des souffrances qu’elles engendrent pour les animaux.
Cette nouvelle plainte fait suite à une première plainte déposée en avril, qui avait conduit à l’ouverture d’une enquête judiciaire. Dans ce cadre, L214 a été auditionnée le 11 juillet à la gendarmerie de Montbard.
Surveillance vidéo : une mesure insuffisante et mal orientée
En réponse à l’enquête de L214, le ministère de l’Agriculture avait annoncé, le 11 avril, vouloir relancer le débat sur le contrôle vidéo à l’abattage comme une solution pour lever le climat de suspicion et de défiance autour des abattoirs. Cependant, depuis, cinq caméras de vidéosurveillance ont été installées par l’abattoir Bigard à l’extérieur des bâtiments, surveillant les allées et venues plutôt que les pratiques d’abattage à l’intérieur. Cette mesure, visant clairement à protéger les installations plutôt que les animaux, a été vivement critiquée par L214.
La position du Groupe Bigard : une industrie de démolition
Le groupe Bigard, leader de la viande en France, est resté silencieux face aux révélations de L214. Jean-Paul Bigard, lors d’une commission d’enquête parlementaire sur la souveraineté alimentaire de la France le 30 mai dernier, avait comparé l’industrie de la viande à celle de la démolition, soulignant : « On rentre des animaux et nous sortons de la viande. » Ces propos révèlent une vision industrialisée de l’abattage, loin des considérations éthiques soulevées par les défenseurs des droits des animaux.
Appel à une réduction drastique de l’abattage
Sébastien Arsac, porte-parole de L214, a souligné l’incapacité des autorités à faire respecter la réglementation minimale en matière de protection animale. Il accuse l’État de soutenir les intérêts de l’industrie de la viande, au détriment de la souffrance animale. L214 appelle à une réduction de 50 % du nombre d’animaux tués d’ici 2030 et demande aux politiques d’ouvrir un débat sur des alternatives alimentaires plus respectueuses de l’environnement et des animaux.