Depuis janvier 2024, une décision prise par le maire de Talant, Fabian Ruinet (LR), fait grand bruit dans la métropole dijonnaise. La ville a suspendu l’abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties, réservé aux bailleurs sociaux, pour une durée d’au moins un an. Cette décision fait de Talant la première commune de la métropole à prendre cette mesure, suscitant de vifs débats sur la gestion du logement social.
L’abattement de 30 %, mis en place par la loi de finances de 2015, vise à alléger les charges des bailleurs sociaux dans les quartiers prioritaires, afin de compenser les surcoûts de gestion liés aux besoins spécifiques de ces quartiers. Cependant, Fabian Ruinet a jugé que cet abattement n’était pas utilisé de manière optimale.
Selon lui, cet avantage fiscal devait être employé à l’amélioration des parties communes et à la sécurité des bâtiments, et non pour résoudre des problèmes tels que l’entretien des logements, les pannes de chauffage ou encore les infestations de nuisibles. « Un bien en mauvais état, les problèmes de chauffage, d’infection de punaises de lit ou de blattes, c’est le rôle des bailleurs de trouver des solutions à ces problèmes », a-t-il affirmé. Pour lui, l’abattement doit servir à des projets plus globaux, comme l’installation de caméras de vidéoprotection, la sécurisation des portes des halls ou encore l’amélioration des ascenseurs.
Depuis cette décision, la ville de Talant s’est engagée dans une voie inédite. Elle travaille désormais à établir des conventions bilatérales avec chaque bailleur social présent sur son territoire. Selon nos informations, ces conventions définissent des objectifs très précis, bâtiment par bâtiment, cages par cages, visant à améliorer la gestion des espaces communs et à garantir la tranquillité des résidents.
Fabian Ruinet devrait présenter ces conventions lors du conseil municipal du 13 décembre 2024, marquant ainsi un tournant dans la manière dont la ville souhaite collaborer avec les bailleurs sociaux.
À Dijon, l’abattement représente une somme de 1 060 275 € pour les bailleurs sociaux, répartis entre Orvitis : 191 234 € / ICF Habitat : 79 129 € / Grand Dijon Habitat : 716 012 € / CDC Habitat : 73 900 €. Certaines personnalités politiques locales estiment que les conventions proposées manquent de clarté, car elles fixent des orientations générales sans imposer de véritables obligations. Toutefois, les trois axes prioritaires qui devront être travaillés par les bailleurs, selon les conventions, sont le renforcement du personnel de proximité, la tranquillité résidentielle et l’animation et le lien social.
Pour plusieurs élus, dont des membres du Groupe Agir pour Dijon, c’est ce manque de contraintes spécifiques qui posent problème. Selon Emmanuel Bichot et Laurence Gerbet, ces orientations restent trop floues pour garantir des résultats tangibles. « Le lien social, c’est très bien, mais il devrait mettre en place des mesures plus efficaces contre ces fléaux qui empoisonnent les locataires », a déclaré Laurence Gerbet lors du conseil de Dijon Métropole, qui s’est tenu ce jeudi 26 septembre 2024.
Cécile Renaud (Nouvelle Énergie), elle, a souligné lors de ce conseil métropolitain que l’exonération dont bénéficient les bailleurs sociaux devait impliquer des obligations plus précises et des responsabilités plus claires de la part des bailleurs, afin que cet avantage fiscal contribue effectivement à l’amélioration des logements et du cadre de vie.
Lors du conseil municipal qui s’est tenu à Chenôve, l’abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties, réservé aux bailleurs sociaux, était le point numéro six de l’ordre du jour. Là aussi, les débats sur le sujet furent extrêmement tendus. En 2023, à l’échelle du Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville (QPV) « Le Mail », cet abattement de TFPB consenti aux bailleurs concernés représentait, un montant total estimé de 396 213 € pour un montant de dépenses valorisées de 533 443 € (+ 34,64 %).
Il a été précisé lors du conseil municipal, que le périmètre du quartier prioritaire de la politique de la ville « Le Mail » a été élargi et intègre, depuis le 1er janvier 2024, le patrimoine d’ICF Habitat Sud-Est Méditerranée sur le secteur « Herriot » ainsi que quelques logements supplémentaires du patrimoine de CDC Habitat et de Grand Dijon Habitat. Ainsi, à Chenôve, l’abattement de TFPB concerne les 1 814 logements à loyers modérés situés dans le QPV « Le Mail » appartenant à Orvitis (895 logements), Grand Dijon Habitat (434 logements), CDC Habitat (207 logements), Habellis (139 logements) et ICF Habitat Sud-Est Méditerranée (139 logements).
Philippe Neyraud, du Groupe « Bon Sens à Chenôve », prendra l’initiative de voter contre l’abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties, réservée aux bailleurs sociaux, estimant que les bailleurs sociaux n’étaient pas à la hauteur des attentes des locataires. La passe d’armes entre lui et Thierry Falconnet sur le sujet fut extrêmement tendue : « La dernière fois, vous nous avez fait le même numéro, vous nous avez dit : « Faites comme à Talant ! » À Talant, ils se sont faits retoquer par le contrôle de légalité, ils ont été obligés de revoter le budget. Parce que la loi n’était pas respectée ! Vous nous demandez de ne pas respecter la loi, moi je vous dis que la loi sera respectée ! » dit Thierry Falconnet à Philippe Neyraud. Puis il ajoute : « Quand vous nous dites, lors du vote précédent, sur les abattements de TFPB, « Faites comme à Talant », le maire de Talant s’est fait rattraper par le préfet, il a été obligé de revoter le budget ! Parce qu’il n’avait pas respecté la loi. J’aime bien Fabian Ruinet par ailleurs, j’ai de bonnes relations institutionnelles avec lui, mais il a fait une bourde ! ».
Contrairement aux propositions tenues par Thierry Falconnet ou d’autres, la ville de Talant n’a jamais été sanctionnée par la justice ni rappelée à l’ordre par la préfecture de Côte-d’Or, selon nos informations. La seule réaction de l’État a été un courrier de la préfecture envoyé à Fabian Ruinet, l’invitant à réintégrer le dispositif d’abattement.
L’initiative du maire de Talant aura ouvert un débat inédit au sein de certaines municipalités. Fabian Ruinet, avec son initiative, imposera des résultats aux bailleurs sociaux sur sa commune. Il faut dire que, à la lecture des conventions et au regard des résultats sur le terrain, on peut comprendre l’initiative du maire de Talant. Cette initiative est saluée par les locataires, dont certains souhaitent du changement.
Dans un souci de transparence avec nos lecteurs et lectrices, et afin de comprendre une situation qui, disons-le, s’avère complexe, nous prenons l’initiative de vous mettre à disposition les conventions signées avec les bailleurs sociaux des villes de Dijon et Chenôve.
Dijon
Chenôve