Avec un budget prévisionnel de 183 millions d’euros TTC, la modernisation de l’Unité de Valorisation Énergétique (UVE) de Dijon est au centre des discussions du conseil métropolitain. Ce projet, visant à remplacer une ligne de traitement et à moderniser une autre, tout en introduisant de nouvelles technologies pour réduire l’impact environnemental, soulève des questions majeures sur sa faisabilité financière et sa cohérence écologique. Les oppositions, portées par Laurent Bourguignat (« Dijon Métropole Autrement ») et Emmanuel Bichot (« Agir pour Dijon »), tirent la sonnette d’alarme.
Une facture salée pour la métropole
Le montant total des travaux prévus entre 2025 et 2033 inquiète l’opposition. Laurent Bourguignat rappelle que « cet investissement colossal représente près de la moitié du coût des deux lignes de tramway ». Selon lui, ce projet pourrait fragiliser les finances de la métropole, déjà éprouvées, et limiter sa capacité à financer d’autres initiatives futures. Il critique également le choix de maintenir l’UVE en régie publique, alors qu’une délégation de service public aurait permis de partager le fardeau financier avec le secteur privé.
Une transition écologique controversée
Pour Emmanuel Bichot, les enjeux écologiques ne sont pas à la hauteur. « L’incinérateur contribue à plus de 10 % des émissions de gaz à effet de serre de la métropole », souligne-t-il, en dénonçant une stratégie qui priorise l’incinération sur le tri et la valorisation des déchets. Il critique par ailleurs le maintien d’une capacité d’incinération de 140 000 tonnes, supérieure au volume actuel de 130 000 tonnes, estimant que cette orientation va à l’encontre des objectifs de réduction des déchets.
Des choix stratégiques discutés
Parmi les points sensibles, Laurent Bourguignat met en avant l’absence de diversité des sources de chaleur. Actuellement, l’UVE fournit 30 % de la chaleur des réseaux urbains de Dijon. Faire de cette unité le fournisseur principal augmenterait les risques en cas de panne majeure, comme celle survenue en 2024. Pour l’opposition, il est crucial de maintenir des alternatives comme les chaufferies biomasse des Valendons et des Péjoces.
Une explosion des coûts inquiète
Emmanuel Bichot pointe du doigt le dérapage financier du projet. Le coût initialement estimé à 80 millions d’euros a grimpé à 183 millions, tandis que les pré-études ont triplé, passant de 400 000 à 1,2 million d’euros. Selon lui, les projections économiques sont trop optimistes, dépendant de variables imprévisibles telles que l’inflation et les taux d’intérêt. « C’est une opération financièrement risquée », prévient-il.
Un débat déjà tranché
Lors du conseil métropolitain qui s’est tenu hier, les échanges ont été vifs. Malgré les critiques de l’opposition, le projet a été adopté. Les réserves exprimées soulignent néanmoins les défis qui attendent Dijon Métropole. Entre exigences écologiques, contraintes financières et incertitudes réglementaires, la modernisation de l’UVE s’impose comme un enjeu clé pour l’avenir de la gestion des déchets dans l’agglomération.
Intervention de Laurent BOURGUIGNAT (LR)
Président du groupe « Dijon Métropole Autrement »
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Nous comprenons la volonté de moderniser l’usine d’incinération des déchets de l’agglomération car c’est un équipement ancien.
- L’investissement proposé est justifié en partie par la nécessité de s’adapter à de futures évolutions réglementaires. Or, celles-ci ne semblent pas précisément connues. Par exemple, des directives européennes importantes ne sont pas encore transcrites en droit français. Il serait peut-être plus raisonnable de connaître précisément les nouvelles normes à respecter avant de lancer les travaux.
- La dépense annoncée de 183 millions d’euros est colossale. A titre de comparaison, les deux lignes de tramway avaient coûté 400 millions d’euros à l’époque. Il y a donc une vraie inquiétude pour les finances de la Métropole, avec son ré-endettement annoncé. Nous en avons parlé lors du débat d’orientations budgétaires : La modernisation de l’UVE risque de fragiliser les finances de la métropole et de limiter ses marges de manœuvre pour les années à venir.
- Pour pallier à cela, le mode de gestion de l’équipement, aujourd’hui en régie, aurait pu être réinterrogé. Dans les grandes villes de France, les usines d’incinération fonctionnent souvent en délégation de service public, ce qui permet de faire porter une partie de l’investissement au secteur privé. Il est dommage de ne pas avoir exploré cette piste.
- Dernier point, et non des moindres : Un des arguments pour justifier le projet concerne l’alimentation des réseaux urbains de chaleur.
L’UVE fournit pour le moment environ 30% de la chaleur des réseaux « Sodien » et « Dijon Énergies ».
Nous ne sommes pas favorables à ce qu’elle devienne le fournisseur quasi-unique de ces réseaux de chaleur. Il faut absolument conserver des sources d’approvisionnement diversifiées car c’est un gage de sécurité.
En cas de panne (comme celle du turbo-alternateur en 2024), la fourniture du chauffage aux Dijonnais doit être garantie par d’autres sources d’approvisionnement, comme les chaufferies biomasse des Valendons et des Péjoces…). C’est à nos yeux un point de vigilance majeur.
Je vous remercie de votre attention.
Intervention de Emmanuel Bichot
Président du groupe « Dijon Agir pour Dijon »
Monsieur le président,
Vous avez déjà réalisé des travaux de modernisation de l’usine d’incinération en 2006, et déclaré à l’époque que cette usine devait fermer en 2014, du fait que nous trions de plus en plus les déchets.
Certes, nous avons encore besoin de cette usine aujourd’hui et sa modernisation s’impose. Pour autant, brûler toujours plus de déchets dans la métropole de Dijon en les collectant toujours plus loin n’est pas une grande ambition écologique, même en faisant du mieux possible pour la valorisation énergétique.
Même si le rapport de 70 pages n’en dit pas un mot, l’incinérateur représente plus de 10 % des émissions de gaz à effet de serre de la métropole, sans compter les émissions d’oxydes d’azote et d’autres substances nuisibles pour la santé. Les émissions de CO2 et de dioxyde d’azote ne sont d’ailleurs pas réduites dans votre projet.
La priorité doit rester de réduire le volume des déchets résiduels à brûler par le tri et la valorisation. Mais le rapporteur nous a confirmé hier soir qu’il était plus intéressant de brûler des déchets que de les trier et de les valoriser. Cela ne va pas rassurer les habitants qui se posent déjà des questions sur la destination réelle des déchets qu’ils s’efforcent de trier dans leurs foyers.
De plus, les transports en camions sur des distances de plus en plus longues sont mauvais pour l’environnement. A cet égard, il reste aberrant par exemple que les déchets de l’agglomération beaunoise soient transportés sur Dijon à 50 km, plutôt que sur Chagny à seulement 15 km.
C’est pourquoi nous regrettons que vous proposiez de garder une capacité inchangée de 140 000 tonnes de déchets, qui va conduire paradoxalement à augmenter le volume incinéré par rapport au niveau actuel de 130 000 tonnes. Le rapporteur a invoqué en commission la difficulté à modifier un arrêté préfectoral. Cet argument ne nous paraît pas suffisant, au regard des enjeux pour l’environnement et les finances.
Sur le plan financier, nous restons étonnés du dérapage des coûts par rapport aux ordres de grandeur annoncés. Le coût de la pré-étude est passé de 400 000 € à 1,2 M€. Le coût annoncé pour le projet lui-même est passé de 80 à 183 M€. Reconnaissez que ceci est troublant. Nous comprenons que les surcoûts proviennent de la prise en compte de l’inflation, des charges financières de l’emprunt, mais aussi du choix de maintenir en permanence deux lignes actives (+ 7 M€)