Ce mercredi 5 février 2025, lors des questions au gouvernement, Catherine Hervieu, députée de la 2e circonscription de Côte-d’Or, a interpellé l’Exécutif sur le scandale des eaux contaminées. Elle a qualifié cette affaire de « compromission, voire de corruption », impliquant le groupe Nestlé dans un traitement illégal des eaux.
Une méthode critiquée et une perte de confiance
Dans sa prise de parole, la députée a dénoncé les pratiques ministérielles influencées par le lobbying industriel. Elle a mis en cause un « mensonge d’État » et une influence économique prépondérante sur les pouvoirs publics. Selon elle, la transparence et la sécurité sanitaire doivent être prioritaires.
Elle a soulevé la question cruciale de la confiance des citoyens face à l’eau potable : « Boire de l’eau est évidemment vital, et nous dépendons de sa qualité. Or, aujourd’hui, nous ne savons plus vers quelle eau nous tourner : eau minérale, eau de source en bouteille, eau du robinet ? La confiance se perd ! »
L’élue a également pointé du doigt l’exposition des citoyens à des polluants et des substances chimiques interdites, tout en soulignant que plusieurs agences d’État, comme l’IGAS, la DGS et l’ARS, avaient joué leur rôle d’alerte.
« Ces mêmes agences, que certains souhaitent voir disparaître, sont pourtant essentielles aux politiques publiques et à la santé publique », a-t-elle martelé, avant d’interroger le gouvernement : « Avez-vous pris en compte les risques de l’affaire Nestlé pour l’ensemble de la population ? L’État et les entreprises, en particulier les multinationales, ne peuvent s’affranchir des obligations sanitaires dans le contexte actuel troublé. Nous avons besoin d’une information transparente, juste et vérifiée ! »
Elle a conclu en saluant le rôle des médias d’enquête et du pluralisme journalistique : « Grâce aux journalistes d’investigation, nous pouvons veiller à la diffusion d’informations sourcées, renseignées, factuelles et objectives. C’est l’un des piliers de notre démocratie. »
La réponse du ministre de la Santé
Face à ces accusations, Yannick Neuder, ministre de la Santé, a insisté sur la rigueur des contrôles sanitaires en France, conformes aux normes européennes.
« Vous le savez, le contrôle de la qualité de l’eau repose sur une réglementation européenne que la France applique. Nos agences régionales de santé (ARS) en sont les exécutants et transmettent leurs analyses aux préfets, qui prennent ensuite les mesures nécessaires. »
Il a rappelé les efforts des services de l’État : « En 2022, 50 inspections ont été menées, soit plus de 1 900 visites de l’ARS et 4 000 contrôles réalisés. Les résultats indiquent une conformité dans 99 % des cas sur les paramètres microbiologiques et physico-chimiques. »
Toutefois, il a reconnu l’existence de traitements non conformes, citant l’utilisation d’ultraviolets et de filtres à charbon actif, qui constituent une fraude aux règles d’étiquetage.
Le ministre a ajouté que l’ARS avait signalé cette fraude via un article 40 et que les sites concernés avaient été placés sous surveillance renforcée. « Une commission d’enquête publique, sous serment, est actuellement en cours. Toutes les administrations ont pleinement collaboré, et nous devons la laisser travailler en toute transparence. »
Face à l’insistance de la députée Hervieu, qui lui demandait s’il comptait retirer immédiatement les bouteilles contaminées du marché, le ministre a botté en touche : « Nous suivons avec la plus grande attention l’évolution de cette affaire. Les mesures nécessaires seront prises à l’issue de la commission d’enquête. »
Des accusations de collusion avec l’Élysée et Matignon
Cependant, le ministre est resté silencieux sur les accusations visant l’Élysée et Matignon. Selon des révélations du Monde et de Radio France, le gouvernement aurait autorisé Nestlé à commercialiser ses eaux malgré l’usage de filtres non conformes.
Ces enquêtes indiquent que, grâce à un lobbying intensif, l’entreprise suisse a pu poursuivre la vente de ses produits après une réunion impliquant plusieurs ministères, l’Élysée et Matignon. Pourtant, en janvier 2023, Jérôme Salomon, Directeur général de la Santé, avait recommandé la suspension immédiate de l’exploitation de certains sites de Nestlé.
Emmanuel Macron a formellement démenti toute implication : « Je ne vais pas faire de commentaire. Il faut que chacun fasse son travail. Il n’y a d’entente avec personne, il n’y a pas de connivence avec qui que ce soit », a déclaré le chef de l’État.
De son côté, l’Élysée a affirmé à BFMTV que la présidence n’avait pas vocation à intervenir sur les méthodes de filtration de l’eau et que l’entreprise Nestlé avait été renvoyée vers les services compétents de l’État.
L’affaire des eaux contaminées prend une ampleur considérable et soulève des questions fondamentales sur la gestion de la qualité de l’eau en France. L’opinion publique s’indigne, tandis que l’enquête pourrait révéler des dysfonctionnements majeurs et redéfinir les règles de contrôle sanitaire et de transparence.