Une fronde d’élus locaux monte au créneau contre le projet de subvention publique en faveur de l’aéroport de Dole-Jura. Dans un communiqué intitulé « Il est temps d’atterrir », douze élu·es de Côte-d’Or, issus de différents échelons territoriaux, dénoncent un choix politique jugé à contre-courant des priorités climatiques, économiques et sociales actuelles.
Le collectif — composé notamment de la députée Catherine Hervieu, de la vice-présidente régionale Stéphanie Modde, de plusieurs conseillers municipaux et départementaux — interpelle directement les présidents de Dijon Métropole (François Rebsamen) et du Conseil départemental de Côte-d’Or (François Sauvadet), qui portent ce projet de subvention estimée à près d’un million d’euros sur trois ans.
Un retour vers les erreurs du passé ?
Au cœur de leur dénonciation : la crainte de reproduire les erreurs coûteuses du passé, notamment le tristement célèbre « projet Renaissance« . Ce dernier, lancé au début des années 2000, visait à relancer l’aéroport de Dijon-Longvic en misant sur le développement de lignes aériennes low-cost. Résultat : 25 millions d’euros de fonds publics engloutis, sans qu’aucune ligne régulière n’ait su trouver sa rentabilité à long terme. Un fiasco que les signataires n’hésitent pas à qualifier de « symbole d’un modèle dépassé« .
Aberration écologique pointée du doigt
Sur le plan environnemental, le collectif juge cette initiative radicalement incohérente avec les engagements climatiques affichés par les collectivités locales. « Alors que l’urgence climatique s’intensifie, continuer de subventionner des infrastructures aériennes alimentées aux énergies fossiles va à rebours des objectifs de transition énergétique« , lit-on dans le communiqué.
Les élus rappellent que le transport aérien est l’un des plus polluants, avec un bilan carbone par passager très supérieur à celui du train. Et ce, alors que la région dispose d’un maillage ferroviaire dense, performant, et que Dijon est un véritable nœud de correspondances TGV en France.
Un investissement qui profite… à l’étranger
Sur le plan économique, les critiques sont tout aussi virulentes. Les lignes régulières depuis Dole-Tavaux desservent principalement des destinations touristiques étrangères : Marrakech, Fès (Maroc) et Porto (Portugal). « Plutôt que d’attirer des touristes vers notre territoire, ces vols incitent les Bourguignons et Francs-Comtois à aller dépenser leur argent hors de France », dénoncent les élus. Une politique « à rebours des objectifs de dynamisation locale« , selon eux.
Ils fustigent également l’argument récurrent de l’attractivité pour les entreprises, invoqué pour justifier ces aides. Les précédentes tentatives d’ouvrir des lignes vers Bordeaux ou Londres n’ont jamais été pérennes. Malgré plusieurs essais, les vols à vocation professionnelle n’ont pas trouvé leur public, ni à Dole, ni à Dijon. D’ailleurs, la Région Bourgogne-Franche-Comté elle-même a acté ces échecs en décidant récemment de ne plus soutenir financièrement l’aéroport jurassien.
Des compagnies controversées
Les élus rappellent également que certaines compagnies low-cost opérant depuis Dole ont déjà fait l’objet de condamnations pour travail dissimulé et non-respect des droits sociaux des employés. De plus, certaines sont fiscalement domiciliées à l’étranger — notamment en Irlande — pour échapper à une partie de l’imposition en France.
« Subventionner indirectement des entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale revient à saboter le financement de nos propres services publics« , dénoncent les signataires. D’autant plus que le kérosène utilisé par l’aviation reste détaxé, contrairement aux autres énergies, ce qui constitue selon eux un privilège indéfendable à l’heure de la sobriété énergétique.
Un autre usage de l’argent public est possible
Face à la raréfaction des finances publiques, les élus du collectif appellent à redéployer ces fonds vers des projets à fort impact social et écologique : développement des transports en commun, rénovation énergétique des écoles et collèges, soutien à l’agriculture durable, ou encore culture et protection sociale.
« L’argent public devient rare. Il doit répondre aux besoins des citoyens et non financer un modèle d’aviation locale dépassé, inégalitaire et polluant », insistent-ils.
Une fracture politique sur l’avenir du territoire
Ce désaccord profond sur l’usage de l’argent public et la vision de l’attractivité territoriale révèle une fracture croissante entre élus locaux, notamment sur les sujets liés à la transition écologique. Tandis que certains défendent une vision modernisée, sobre et interconnectée du développement territorial, d’autres s’accrochent à des modèles d’infrastructures qui, selon les opposants, « appartiennent au siècle dernier ».
Les signataires concluent leur communiqué par un appel sans détour : « Il est temps d’atterrir« .
Communiqué de presse du 27 mars 2025 :
Il est temps d’atterrir : des élus de Côted’Or dénoncent le financement de l’aéroport de Dole- Tavaux
Malgré le fiasco du projet Renaissance qui devait relancer l’aéroport de Dijon-Longvic au début des années 2000, les présidents de Dijon métropole et du Conseil Départemental de Côte-d’Or s’enferrent dans leurs erreurs du passé et veulent maintenant subventionner l’aéroport de Dole Jura. Rappelons que le projet Renaissance, qui visait à développer des lignes aériennes régulières low-coast depuis l’aéroport Dijon-Longvic, a englouti 25 millions d’euros de fonds public. Outre l’incohérence écologique, ce fut un échec économique majeur puisque malgré ces énormes subventions publiques, toutes les tentatives de lancement de lignes régulières depuis cet aéroport ont échoué faute de rentabilité.
Les présidents de Dijon métropole et du Conseil départemental persévèrent pourtant dans le modèle obsolète de l’impératif d’une liaison aérienne locale pour l’attractivité du territoire en voulant subventionner l’aéroport de Dole Jura alors qu’il s’agit d’une aberration écologique, économique et sociale.
Aberration écologique d’abord puisque le bilan carbone d’un trajet en avion est calamiteux comparé au même trajet en train. Alors que le changement climatique s’accélère et que nos collectivités affichent leur volonté de lutter contre le dérèglement climatique, subventionner l’usage de carburant fossile à travers la subvention à l’aéroport de Dole Jura est en incohérence totale avec les ambitions écologique affichées.
Aberration économique ensuite. Dépenser de l’argent public pour soutenir l’attractivité du territoire peut avoir du sens si ces actions ramènent de l’activité économique dans notre territoire. Or, depuis de nombreuses années, les seules lignes aériennes régulières et pérennes depuis l’aéroport de Dole Jura sont à destination de villes touristiques du Maroc et du Portugal, précisément Marrakech, Fez et Porto. Au lieu de ramener des touristes qui contribueraient à l’activité économique de la Côte-d’Or, la Bourgogne ou la Franche-Comté, les subventions à l’aéroport de Dole Jura ont comme conséquence d’inciter les bourguignons et les francs-comtois à dépenser leur argent à l’étranger ! L’exact contraire d’un soutien à l’attractivité et de ce qu’il convient de faire pour soutenir l’économie de la Côte-d’Or et de la métropole.
Prétendre que ces subventions permettront à l’avenir de développer de nouvelles lignes aériennes destinées à des hommes d’affaires, ingénieurs et commerciaux de nos entreprises locales, c’est nier les multiples échecs des tentatives précédentes de lignes aériennes vers Bordeaux ou Londres par exemple. Échecs répétés tant depuis l’aéroport de Dole que de celui de Dijon. La région Bourgogne Franche-Comté vient d’ailleurs d’acter ces échecs en ne subventionnant pas l’aéroport de Dole Jura. De surcroît, une des compagnies low cost desservant les lignes touristiques de cet aéroport a déjà été condamnée au regard de cotisations sociales non payées (travail dissimulé) mais aussi concernant les droits des passagers.
L’attractivité d’un territoire ne se mesure pas au nombre d’aéroports de proximité puisque la France a 9 fois plus d’aéroports que l’Allemagne. Dijon est un nœud ferroviaire et nos entreprises disposent de 3 aéroports internationaux ayant des dessertes internationales (Lyon, Paris et Bâle) à 2 ou 3 heures de train ou de voiture.
Aberration sociale enfin. Le transport aérien bénéficie d’un carburant détaxé ne participant donc pas au financement de nos services public. De plus, la compagnie aérienne opérant depuis l’aéroport de Dole est domiciliée fiscalement en Irlande pour échapper partiellement à l’impôt sur les sociétés. Subventionner indirectement des exilés fiscaux participe à la destruction de nos services publics.
Pour autant, les présidents de Dijon métropole et du département de la Côte-d’Or comptent subventionner l’aéroport de Dole à hauteur d’environ 1 million d’euros sur 3 ans. Il est temps d’atterrir et d’arrêter ces subventions.
L’argent public devient rare et doit être dédié aux priorités répondant aux besoins des citoyens et des entreprises, comme les transports en commun, les écoles et les collèges, la restauration collective, l’agroécologie, la protection des enfants et des personnes âgées, la culture.
Signataires :
- Catherine Hervieu, Députée, Conseillère départementale de Côte-d’Or
- Frédéric Faverjon, Conseiller municipal de Dijon
- Olivier Muller, Conseiller de Dijon métropole, Conseiller municipal de Dijon
- Stéphanie Modde, Vice-présidente du conseil régional Bourgogne Franche-Comté, Conseillère de Dijon métropole, Conseillère municipale de Dijon
- Aurore Lagneau, conseillère régionale Bourgogne-Franche-Comté
- Michel Procureur, Adjoint au maire de Bressey-sur-Tille
- Bruno Haberkorn, Conseiller municipal de Chenôve
- Billy Chrétien, Conseiller départemental de Côte-d’Or
- Gérard Lizard, Conseiller municipal de Fontaine-les-Dijon
- Caroline Carlier, Conseillère départementale de Côte-d’Or
- Carole Bernhard, Conseillère municipale de Beaune, Conseillère communautaire de l’agglomération Beaune Côtes et Sud
- Philippe Schmitt, Adjoint au maire de Quetigny