C’est désormais officiel : trois établissements emblématiques de la Cité de la Gastronomie de Dijon — La Table des Climats, Le Comptoir de la Cité et La Cave de la Cité — ont été placés en redressement judiciaire ce mardi 1er avril. Cette décision du tribunal de commerce de Dijon fait suite à une importante dette de loyers impayés. Le groupe dispose désormais d’un délai de six mois pour tenter de redresser la barre.
Si la nouvelle n’a surpris personne dans le milieu, elle a tout de même eu l’effet d’un électrochoc. Et pour cause : il y a à peine trois mois, les discours publics des dirigeants du groupe Épicure, en charge de ces établissements, laissaient entendre que tout allait pour le mieux.
En janvier 2025, Daphné Delarue, responsable d’exploitation des restaurants du groupe, se montrait confiante dans les colonnes de la presse : « Épicure a connu des rebondissements sur cette fin d’année 2024 et beaucoup de changements positifs pour ce début d’année 2025. » Des propos appuyés par Romain Papillon, directeur des opérations, qui affirmait alors : « Les chiffres 2024 ont été relativement bons […] on est très optimistes pour 2025. »
Un optimisme affiché… à contre-courant de la réalité
Face à la situation actuelle, difficile de ne pas s’interroger : ces déclarations étaient-elles sincères ou relèvent-elles de la communication de façade ? Car aujourd’hui, la réalité est tout autre. Et les chiffres, eux, ne mentent pas.
À y regarder de plus près, les signes avant-coureurs de difficultés financières étaient déjà bien présents. Nous avons pu consulter plusieurs courriels de relance envoyés par des fournisseurs, témoignant de retards de paiement récurrents de la part du groupe Épicure Investissement.
L’un des plus récents, daté du 31 mars, concernait deux factures, référencées 20240638 et 20240639, émises le 15 juillet 2024. Le ton reste courtois, mais la lassitude transparaît : « Bonjour, sauf erreur de notre part, ces deux factures restent impayées dans notre comptabilité. Pourriez-vous y regarder ? Merci d’avance, bien à vous. » Des factures en souffrance depuis près de neuf mois… difficile de parler ici d’un simple oubli.
Mais ce n’est pas un cas isolé. Un autre mail, plus ancien, montre que ce type de situation s’inscrit dans la durée. Le 22 juillet 2022, un fournisseur relançait Épicure pour une facture numérotée 2200326, datée du 15 avril 2022, d’un montant de 6 132,96 euros. Cette fois, le message était plus direct : « Madame, sauf erreur ou omission de notre part, le paiement de la facture n°2200326 datée du 15/04/2022 pour un montant de 6 132.96 euros, et arrivée à échéance, ne nous est pas parvenu. Nous vous prions de bien vouloir procéder à son règlement dans les meilleurs délais. »
Deux ans d’écart entre ces relances, mais un même schéma : des dettes qui s’accumulent, des délais qui s’allongent, et une communication minimaliste en retour. Une stratégie qui ne semble plus tenir.
Épicure : entre façade rassurante et pratiques inquiétantes
Alors que le groupe communiquait en début d’année avec un optimisme presque théâtral, il semble aujourd’hui que cette façade dissimulait mal une réalité financière bien plus fragile. Si le redressement judiciaire n’est pas une fin en soi, il met en lumière un comportement d’entreprise qui soulève des questions. Car au-delà des difficultés économiques, c’est bien la sincérité et la transparence du groupe Épicure qui sont ici mises à mal.
La question demeure : s’agit-il d’une mauvaise gestion, d’un optimisme mal placé, ou d’une volonté de dissimuler une situation connue en interne depuis longtemps ? Une chose est sûre, dans le monde feutré de la gastronomie, la franchise est aussi essentielle que la qualité dans l’assiette.