En moins d’un mandat, plus de 2 000 maires ont quitté leur fonction. Un phénomène inédit, qui révèle une crise profonde de l’engagement municipal. À quelques mois des élections de 2026, l’alerte est lancée.
Une tendance préoccupante en forte hausse
Depuis l’installation des conseils municipaux en juillet 2020, 2 189 maires ont démissionné en France. C’est l’un des constats les plus marquants d’une étude conduite par Martial Foucault, professeur à Sciences Po et chercheur au CEVIPOF, en partenariat avec l’Association des maires de France (AMF). Ce chiffre, jamais atteint jusqu’à présent, correspond à plus d’une démission par jour transmise et validée par les préfectures.
Ce phénomène ne relève pas de l’anecdote. En l’espace de trois mandats municipaux, le nombre moyen de démissions a été multiplié par quatre : on est passé de 129 démissions annuelles en moyenne (entre 2008 et 2014) à 417 par an sur la période actuelle (2020–2025).
Trois raisons principales à cette vague de départs
L’étude, fondée sur les données du répertoire national des élus du ministère de l’Intérieur, complétée par une analyse de la presse régionale et de nombreux témoignages d’élus, identifie plusieurs causes majeures :
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L’impossibilité de mener à terme les projets municipaux (30,9 % des cas), souvent entravés par des blocages administratifs, des tensions internes ou des désaccords politiques.
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Des passations de pouvoir anticipées (13,7 %), prévues dès le début du mandat, notamment dans les petites communes où les maires sortants ont accepté de reprendre temporairement le flambeau.
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Des raisons de santé, aussi bien physique (13,1 %) que mentale (5,1 %), traduisant la pression croissante que subissent les élus locaux.
Ces chiffres traduisent un malaise profond : l’exercice du mandat municipal est devenu une charge de plus en plus lourde, avec peu de reconnaissance et des moyens souvent insuffisants.
Un mandat sous contraintes exceptionnelles
Le mandat municipal 2020–2026 n’aura ressemblé à aucun autre. Il a débuté dans la tourmente de la crise sanitaire du Covid-19, s’est poursuivi dans un contexte économique et social tendu, et s’achève aujourd’hui dans une atmosphère d’incertitude politique, renforcée par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 et des contraintes budgétaires inédites.
Cette instabilité nationale rejaillit sur les élus locaux, souvent en première ligne face aux inquiétudes de leurs administrés, mais sans les leviers nécessaires pour agir efficacement.
Un cas concret : la Côte-d’Or concernée
À l’échelle locale, le département de la Côte-d’Or n’échappe pas à cette dynamique. Depuis 2020, 64 communes sur 698 ont vu leur maire démissionner, soit 9,17 % du total. Un chiffre qui confirme la tendance nationale et illustre les difficultés particulières rencontrées dans les zones rurales, où la fonction de maire repose encore très souvent sur le bénévolat et l’engagement personnel.
Une réforme attendue du « statut de l’élu »
Face à cette crise de vocation, les regards se tournent désormais vers le Parlement. Un texte législatif sur le nouveau statut de l’élu local est actuellement en discussion. Il vise à mieux encadrer les responsabilités, à assurer une meilleure protection des élus et à encourager la relève dans un climat de confiance.
Pour Martial Foucault, cette réforme est indispensable : « Si l’on veut préserver la démocratie de proximité, il est urgent d’adapter le statut de l’élu aux réalités du terrain. »
Une démocratie locale à bout de souffle ?
À moins d’un an des élections municipales de mars 2026, cette vague de démissions agit comme un signal d’alerte. Le mandat municipal, longtemps perçu comme un engagement noble et stable, est aujourd’hui mis à l’épreuve. Ce que cette étude révèle, c’est la nécessité de repenser la place du maire dans la République. Car si la fonction vacille, c’est tout l’édifice démocratique local qui en pâtit.