Ce mercredi 25 juin 2025, à 14h30, une cinquantaine de personnes – enseignants, parents d’élèves, quelques collégiens ainsi que des membres des syndicats CGT (Sud Éduc’Action) – se sont rassemblées devant le rectorat de Dijon. En cause : des décisions de dernière minute, annoncées à quelques jours des vacances scolaires, qui bouleversent la rentrée au collège Montchapet de Dijon et au collège Boris Vian de Talant.
Suppressions de classes, heures rognées : la coupe est pleine
Au collège Boris Vian de Talant, la rentrée 2025 se fera sans l’une des quatre classes de 6e, supprimée suite à une baisse annoncée de la dotation horaire globale (DHG). Étienne Roy, professeur de mathématiques dans l’établissement et représentant du personnel éducatif au conseil d’administration, s’indigne : « Aujourd’hui, nous manifestons notre colère suite à une décision prise par le rectorat : on nous reprend 25 heures, ce qui nous oblige à fermer une classe de 6e. »
Pour lui, cette décision va bien au-delà d’une simple logique comptable : « On est dans un secteur avec une forte mixité sociale, en concurrence avec des établissements privés comme Saint-François. On s’est battus pour redorer l’image du collège, ramener les élèves de secteur, et on y est arrivés : cette année, on avait dépassé le seuil de 90 élèves, ce qui a permis l’ouverture d’une classe. Aujourd’hui, on nous la referme à peine un an plus tard. »
Le professeur pointe aussi des choix discutables en matière de dérogations scolaires : « Si les trois dérogations que nous avons demandées avaient été acceptées, on serait à nouveau au-dessus de 90 élèves. Ce n’est pas une baisse naturelle des effectifs, c’est un arbitrage. »

Des conséquences lourdes pour les élèves les plus fragiles
Les conséquences concrètes sont claires : « On va avoir des classes de 6e à 30 élèves, avec des enfants parfois en grande difficulté : certains ont déjà redoublé, d’autres ont subi le confinement en CP et ont des lacunes en lecture. »
Étienne Roy insiste : « Malgré notre passion et notre engagement, on ne pourra pas faire de différenciation pédagogique efficace dans ces conditions. On risque de condamner à l’échec des élèves dès leur entrée au collège. »
Une gestion technocratique des DHG ?
Lorsqu’on l’interroge sur l’attitude du rectorat, Étienne Roy décrit une logique administrative déconnectée du terrain : « En tant que syndicaliste CGT, j’ai assisté à plusieurs audiences. Le discours est toujours le même : le rectorat applique la dotation ministérielle en essayant de répartir les moyens de façon “équitable”. Mais quand un établissement gagne, c’est souvent au détriment d’un autre. »
Et d’ajouter : « Cette année, ce qui est inédit, c’est qu’on reprend des moyens à des établissements en juin, alors que normalement les ajustements se font pour aider ceux qui sont en difficulté. »
Il replace ces décisions dans un contexte plus large de coupes budgétaires : « La réussite des enfants n’est plus une priorité ministérielle. On le voit partout : dans les hôpitaux, dans la protection judiciaire, et même dans nos cantines. À Dijon, les repas vont passer de 2 à 3,70 euros. Et ce sont toujours les plus fragiles qui trinquent. »
Une annonce tardive, presque dissimulée
L’annonce a été faite le vendredi 20 juin, juste après le conseil d’administration du collège : « Personne n’a été consulté. Ni les enseignants, ni la direction, ni les parents. Tout le monde a été mis devant le fait accompli. »
Quand on lui demande si cette annonce tardive était stratégique pour éviter les remous, Étienne Roy reste prudent : « Je ne veux pas être complotiste. Mais annoncer une telle mesure après le CA, c’est une méthode qu’on n’avait jamais vue auparavant. »
Montchapet : un combat déjà en partie entendu
Du côté du collège Montchapet à Dijon, le scénario est similaire, bien qu’une première mobilisation ait permis d’éviter le pire. Benoît Perrault, enseignant de mathématiques, explique : « Vendredi 20 juin, le rectorat nous a annoncé une baisse de 16 heures. On a dû supprimer une classe de 5e, ce qui portait les effectifs à 32 voire 33 élèves par classe. »
Face à cette décision, l’équipe pédagogique s’est rapidement mobilisée : « On a mené une action lundi matin, obtenu une audience pour lundi prochain, et réussi à récupérer 9 heures. Mais il en manque encore 7. Et avec ces 7 heures en moins, on se retrouve avec des classes de 29 à 30 élèves en 6e. »
La 6e, un niveau clé sacrifié
Le professeur insiste sur la spécificité du niveau 6e : « Les élèves arrivent d’écoles différentes, avec des niveaux disparates, une autonomie encore faible. C’est un moment où ils ont besoin de plus de présence adulte, pas de classes surchargées. »
Quant à la justification du rectorat ? « On n’a pas d’explication. Juste des tableaux de chiffres. Ils appliquent des directives nationales sans dialogue. On sait qu’on veut plus d’élèves par classe, moins de profs, point. »
Et il conclut sur l’absurdité d’un système qui déplace les moyens vers d’autres priorités : « On met un milliard sur le SNU (Service national universel), mais on ne met pas les moyens pour avoir des adultes devant les élèves. »
Une mobilisation qui pourrait se durcir
Benoît Perrault prévient : « Pour l’instant, on continue de se battre. On envisage une grève des surveillances du brevet jeudi et vendredi. Lundi, on a une audience au rectorat. On ira jusqu’au bout pour nos élèves. »
Les situations à Talant comme à Dijon révèlent une tendance nationale : une réduction continue des moyens humains au sein de l’Éducation nationale, au détriment des élèves les plus fragiles. Si certains établissements parviennent, à force de mobilisation, à sauver quelques heures, beaucoup d’autres risquent d’être contraints d’accepter la norme imposée : moins d’adultes, plus d’élèves par classe, et une école qui perd pied sur sa mission d’égalité.







