L’Union syndicale Solidaires 21 dénonce avec force l’entrée en vigueur ce jour du décret du 27 mai 2025, présenté par le gouvernement comme une avancée en matière de prévention des risques liés à la chaleur au travail. Pour notre union, ce décret est dangereusement insuffisant, et révèle une nouvelle fois le mépris du ministère du Travail pour la santé des salarié·es, au profit d’intérêts patronaux court-termistes.
Alors que les canicules deviennent plus fréquentes, plus longues et plus meurtrières, ce décret était attendu comme une réponse politique forte. Résultat : une série de mesures floues, sans contrainte réelle pour les employeurs, et qui laissent des milliers de travailleur·euses exposé·es à des températures extrêmes sans réelle protection selon le syndicat.
Des « mesures » vidées de toute efficacité
Le décret prévoit une « prévention renforcée » en cas de déclenchement d’alertes canicule par Météo France (niveaux jaune, orange ou rouge). Autrement dit, en dehors de ces alertes, l’employeur peut se contenter des dispositifs de prévention classiques, même si les conditions de travail restent dangereuses selon le syndicat.
Pour Solidaires 21, cette logique est inacceptable : la souffrance au travail liée à la chaleur n’attend pas une alerte météo nationale pour être bien réelle. Des dizaines de milliers de salarié·es, dans le BTP, l’agriculture, la métallurgie, les espaces verts, les pressing, la boulangerie, les entrepôts logistiques ou encore le commerce, travaillent chaque été dans des conditions inhumaines sans que cela ne soit reconnu comme un danger structurel.
Aucun seuil de température fixé : l’impunité patronale maintenue
Le décret ne fixe toujours pas de température maximale au-delà de laquelle le travail doit être suspendu. C’est une des plus graves lacunes du texte.
Pourtant, l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) alerte depuis des années : au-delà de 30 °C pour une activité sédentaire, ou 28 °C pour une activité physique modérée, des effets physiologiques dangereux apparaissent. À partir de 40 °C, le risque d’hyperthermie potentiellement mortelle est avéré, même pour les personnes jeunes et en bonne santé.
Solidaires 21 rappelle qu’en 2023, six ouvrier·es agricoles sont morts dans les vignes de Champagne et du Rhône en pleine vague de chaleur début septembre. Combien de drames encore faudra-t-il pour que le gouvernement agisse ?
Des délais de réponse hors sol
En cas de non-respect des dispositions du décret, l’inspection du travail peut mettre en demeure l’employeur de se conformer à la réglementation… dans un délai de 8 jours (4 jours en agriculture). Ce délai est absurde, quand on sait qu’un épisode caniculaire dure rarement plus de 3 à 5 jours. Que deviennent les salarié·es pendant ce laps de temps ? Ils et elles continuent de travailler, au péril de leur santé et parfois de leur vie.
Face à ce vide réglementaire, le droit de retrait reste souvent la seule option, mais avec de lourdes conséquences pour les plus précaires : intérimaires, CDD, travailleur·euses sans-papiers, auto-entrepreneur·euses… Ces personnes, en situation de vulnérabilité, n’osent pas faire valoir leurs droits, par peur de perdre leur emploi ou d’être sanctionnées.
Solidaires 21 ne se contentera pas de demi-mesures. « Nous exigeons une vraie politique de santé au travail face aux risques climatiques« , à la hauteur des enjeux humains et sociaux :
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Le pouvoir d’arrêt immédiat de l’activité par l’inspection du travail en cas de conditions climatiques extrêmes (chaleur, froid, orages…), sur le modèle de ce qui existe pour le risque de chute, d’ensevelissement ou d’exposition à l’amiante.
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La fixation de températures maximales de travail, au-delà desquelles l’activité doit être suspendue, sans ambiguïté.
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Des droits à compensation et à récupération pour la fatigue liée à la chaleur (et non de simples décalages d’horaires qui peuvent aggraver la pénibilité).
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L’extension des protections du Code du travail aux travailleur·euses « indépendant·es » hors BTP, notamment dans les secteurs de la livraison et de la sous-traitance, avec obligation pour les plateformes de suspendre les services et indemniser les livreur·euses en cas de canicule.
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Des effectifs renforcés pour l’inspection du travail, afin qu’elle ait les moyens de contrôler et d’intervenir efficacement.
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Une responsabilité élargie des entreprises dans la lutte contre le changement climatique, avec une action directe sur leurs émissions de gaz à effet de serre.
Ce décret n’est pas une réponse, c’est un abandon
Ce décret n’est pas une solution. C’est une façade réglementaire, qui donne l’illusion d’agir sans imposer de contraintes réelles. Pour Solidaires 21, il revient à légaliser l’exposition des travailleur·euses à des conditions de travail insoutenables, en refusant toute mesure contraignante qui risquerait de « gêner » l’organisation du travail ou la production.
Solidaires 21 appelle à un renversement radical des priorités : la vie humaine doit passer avant les profits. Il est temps que la santé des salarié·es soit prise au sérieux dans ce contexte de réchauffement climatique accéléré. Ce décret ne protège personne. Il met en danger.