Dijon, Chenôve, Marsannay, Fontaine-d’Ouche, Grésilles… Depuis des mois, la métropole dijonnaise vit au rythme des coups de feu. Un nom de rue, une place, un parking de quartier suffisent à réveiller le cauchemar : rafales, victimes au sol, familles effondrées, habitants terrorisés. Et toujours le même scénario en arrière-plan : la même mise en scène sécuritaire, la même « parade » des autorités, la même photo des CRS alignés en uniforme pour rassurer, puis le même silence. Jusqu’à la fusillade suivante.
Des morts, des blessés… et toujours les mêmes discours
Le dernier drame en date a secoué Dijon le week-end dernier : un jeune homme de 23 ans a perdu la vie place de la République, en plein centre-ville, criblé de balles alors qu’il circulait dans un buggy. Quelques jours plus tôt, un père de famille de 49 ans, garé devant chez lui à Marsannay, tombait sous une pluie de projectiles – il est décédé après des heures d’agonie.
La liste est interminable : un blessé de 22 ans à Chenôve fin août, deux autres à Fontaine-d’Ouche mi-août, un mort place Pierre-Semard en mai, plusieurs blessés encore aux Grésilles, aux Péjoces, à la Redoute… En quelques mois, la métropole dijonnaise a connu près d’une dizaine de fusillades, dont plusieurs mortelles. Un territoire frappé par une escalade de violence armée qui n’épargne plus personne : ni les jeunes, ni les pères de famille, ni les passants innocents.
La visite du préfet, la photo des CRS, et après ?
Hier soir encore, Paul Mourier, préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté et de la Côte-d’Or, était dans les quartiers des Grésilles et de Chenôve. Il était entouré de Nathalie Koenders, maire de Dijon, et de Thierry Falconnet, maire de Chenôve. Au programme : saluer l’action des forces de l’ordre, remercier les CRS venus en renfort, afficher une solidarité républicaine face aux violences.
Une présence nécessaire ? Oui. Mais une réponse suffisante ? Non. Car les habitants, eux, voient bien ce qui se joue : les CRS débarquent, les médias relaient, le préfet serre des mains, on promet de « sécuriser »… Puis les camions repartent. Et quelques semaines plus tard, les balles sifflent à nouveau dans les rues.
Stop à la politique du pansement
Soyons clairs : cette stratégie n’est pas une solution, c’est une mascarade. Elle fait illusion, elle donne le change, elle rassure deux jours. Mais elle ne règle rien. Car ce qui mine Dijon et sa métropole, ce n’est pas l’absence de CRS en photo : ce sont les réseaux de trafiquants, les rivalités entre clans, les trafics qui pourrissent les quartiers et alimentent la spirale des règlements de comptes.
Le préfet peut s’indigner, les maires peuvent se féliciter des renforts, mais tant que l’État ne mettra pas des moyens pérennes et lourds sur le terrain, rien ne changera. Il faut des enquêteurs de l’OFAST, du SRPJ, des brigades spécialisées. Il faut des moyens judiciaires pour frapper au portefeuille des trafiquants, des équipes de renseignement pour infiltrer et démanteler. Pas seulement des CRS qu’on exhibe trois jours, mais des enquêteurs qui creusent trois ans s’il le faut.
Une question de volonté politique
La vérité est simple : si la France veut enrayer cette spirale, il faut arrêter les effets d’annonce et enfin armer la justice et la police d’outils durables. La guerre des gangs, la prolifération des armes de guerre et la banalisation des fusillades ne se régleront pas à coups de communiqués préfectoraux ni de photos de terrain.
Les habitants de Dijon, de Chenôve et d’ailleurs n’attendent pas des visites officielles. Ils attendent de pouvoir vivre sans crainte de croiser une balle perdue en rentrant de leur travail, de voir leurs enfants jouer sans peur au pied de l’immeuble.
La mascarade a trop duré. Place aux actes. Place à la volonté politique. Parce qu’à chaque retard, c’est une vie de plus qui s’éteint dans nos rues.
F. Bauduin