Alors que la France tout entière rendait hommage à Robert Badinter, figure majeure de l’abolition de la peine de mort, entré ce jeudi matin au Panthéon, la ville de Dijon a célébré à sa manière l’homme de justice et de liberté. Devant le palais de justice, une plaque fraîchement dévoilée donne désormais à cet espace le nom de « place du Palais-Robert-Badinter », gravant ainsi dans la pierre le souvenir de celui qui incarna, tout au long de sa vie, la voix de l’humanité face à la barbarie.
« Libérer nos lois de la peine de mort »
“Libérer nos lois de la peine de mort.” Cette phrase, prononcée par Robert Badinter en 1981 à la tribune de l’Assemblée nationale, résonne encore aujourd’hui comme l’un des plus grands moments de l’histoire parlementaire française. C’est ce combat acharné, mené jusqu’à l’abolition de la peine capitale le 9 octobre 1981, qui fit de lui une conscience morale pour plusieurs générations.
Après cette victoire historique, Robert Badinter (1928-2024) poursuivit son œuvre au-delà des frontières françaises, œuvrant pour l’abolition universelle de la peine de mort et la défense inlassable de l’État de droit, dans la lignée des Lumières et de Condorcet, qu’il admirait profondément. Il fut également une voix constante contre l’antisémitisme et toutes les formes d’intolérance, fidèle à une conception humaniste et républicaine de la justice.
Dijon, ville de mémoire et de justice
À Dijon, la maire Nathalie Koenders a dévoilé la plaque officialisant le nouveau nom de l’esplanade située devant le palais de justice : « Place du Palais-Robert-Badinter ». Un hommage hautement symbolique : c’est ici même, dans ce palais dijonnais, que Robert Badinter plaida en 1979 pour soustraire à la guillotine Jean Portais, alors rejugé pour meurtre. Un acte emblématique de son combat contre la peine capitale, mené jusqu’à son abolition deux ans plus tard.
“Cette place, devant ce palais de justice, est un lieu chargé d’histoire et d’émotion”, a déclaré Nathalie Koenders, soulignant la volonté de la ville d’“inscrire dans l’espace public et la mémoire collective la figure de Robert Badinter et son combat pour la dignité humaine”.
Une cérémonie sobre et émouvante
La cérémonie dijonnaise, organisée salle des États après le dévoilement de la plaque, a rassemblé plus de 200 personnes. Citoyens, représentants du monde judiciaire, élus et associations ont rendu hommage à l’homme de loi, tout en suivant en direct la retransmission de la panthéonisation.
Autour de la maire se tenaient :
- Aurélie Contrecivile, directrice de cabinet du préfet de la Côte-d’Or ;
- François Rebsamen, président de Dijon Métropole ;
- Alain Chateauneuf, premier président de la cour d’appel de Dijon ;
- Philippe Astruc, procureur général ;
- et Maître Anne Geslain, bâtonnier de l’ordre des avocats de Dijon.
Plusieurs élus avaient également fait le déplacement, parmi eux Océane Godard, députée (PS) de la Côte-d’Or, et Françoise Tenenbaum, vice-présidente (PS, FP) de la Région Bourgogne–Franche-Comté.
“Robert Badinter a su faire triompher la justice sur la vengeance”, a déclaré Maître Geslain. “Sa parole résonne encore dans chaque palais de justice : une justice sans humanité n’est qu’une mécanique sans âme.”
Une trace indélébile
La place du Palais-Robert-Badinter devient désormais un lieu de mémoire civique, ouvert à tous les Dijonnais. Pour beaucoup, cette inauguration revêt une portée symbolique forte : un espace de justice portant le nom de celui qui fit reculer la mort au nom du droit.
“Dijon, ville de Lumières et de droit, ne pouvait trouver meilleur nom pour cet endroit”, a résumé François Rebsamen, saluant “le courage et la clairvoyance d’un homme qui a su hisser la justice au rang de valeur universelle”.
La cérémonie s’est conclue dans un moment de recueillement, suivi d’une ovation nourrie, tandis que les visages des participants se levaient vers la plaque désormais scellée : « Place du Palais-Robert-Badinter », une inscription pour l’éternité.









