La semaine dernière, le ministre du Logement a présenté au Conseil National de l’Habitat le projet de loi relatif au développement de logements abordables. Malheureusement, ce projet de loi, soumis au vote ce mercredi, ne semble pas à la hauteur des enjeux sociaux actuels, mais plutôt constituer une nouvelle entrave à l’accès au logement pour de nombreux Français selon la CLCV de Côte-d’Or,
Communiqué de presse du 23 avril 2024 :
Projet de loi logement : rendre inabordable le logement !
La présentation par le ministre du Logement la semaine dernière au Conseil National de l’Habitat du projet de loi relatif au développement de logements abordables, en vue d’un vote ce mercredi, n’apporte pas de réponse adéquate à la bombe sociale actuelle. Pire, cette loi sanctionne davantage les locataires, affaiblit les capacités de production des bailleurssociaux, et va à l’encontre des demandes actuelles des Français : l’accès à un logement abordable et décent pour tous.
Le projet de loi, composé de 15 articles répartis en 4 chapitres, aurait pour objectif d’aider les maires à construire de nouveaux logements, de modifier les règles d’urbanisme pour éviter les recours et densifier les zones pavillonnaires, de faciliter l’investissement des bailleurs sociaux, et de relancer la mobilité au sein du parc social.
Sur le premier volet, le ministre souhaite intégrer les logements intermédiaires (LLI) dans le calcul des quotas de logements sociaux au titre de la loi SRU. Ni l’association des maires de France (AMF), ni les bailleurs sociaux (USH), ni la CLCV, ne sont favorables à une telle mesure.
En effet, elle favoriserait les maires qui n’ont pas atteint leurs objectifs de construction de logements sociaux depuis plus de 20 ans, en leur permettant d’intégrer 25 % de LLI dans les nouvelles constructions s’ils accusent un retard de plus de dix points sur leurs objectifs triennaux. Ces maires refusent en partie des HLM pour des raisons électorales, adoptant une politique dite « anti-pauvres », quand bien même 70 % de la population est actuellement éligible. Ils refusent ainsi de loger les policiers, infirmiers et professeurs nécessaires au fonctionnement de leur ville.
Les LLI ne sont par ailleurs pas adaptés aux demandes actuelles de logements sociaux. Seulement 3 % des demandeurs répondent aux critères de ressources actuels pour en bénéficier, et ils ne pourront pas payer les loyers demandés (environ 20 euros en moyenne du m2 pour un logement intermédiaire, contre 10 euros en moyenne du m2 pour un logement social de type PLUS). 70 % des demandeurs actuels ont besoin de logements très sociaux (PLAI) du fait de leurs très faibles revenus. Le LLI n’est donc pas une réponse pour une grande majorité des territoires. Pire, ils empêcheront les bailleurs sociaux de construire des HLM par manque de financement pour le logement social.
La CLCV réclame plutôt un renforcement des obligations de la loi SRU, notamment en intégrant obligatoirement 30 % de logements sociaux dans chaque projet de construction de plus de 700 m2 , en permettant aux préfets de prendre le contrôle des permis de construire pour les communes ayant moins de 15 % de logements sociaux sur leur territoire. De plus, permettre aux maires de mettre en place l’encadrement des loyers s’ils le souhaitent, sans restriction de la part du ministre et avec les moyens de contrôle nécessaires, serait approprié. Nous sommes toutefois favorables à l’extension du droit de préemption, mais nous attendons des précisions quant aux conditions d’accès à ce droit, malheureusement trop peu utilisé et trop restreint dans son application pour de nombreuses communes.
Concernant la prise de contrôle du processus d’attribution de logements sociaux par les maires pour les nouveaux logements, la CLCV s’y oppose. Une telle mesure serait la porte ouverte à des phénomènes de clientélisme et de favoritisme que nous avions rencontrés dans les années 80 et 90 dans les plus grandes villes, et qui perdurent malheureusement encore dans certaines communes, malgré l’augmentation des contrôles et des condamnations.
Sur le second volet, le ministre ressort le mantra de la simplification des procédures, mais sans apporter d’explications concrètes au-delà de mesures anecdotiques telles que la parallélisation des recours, permettre aux maires de densifier les zones pavillonnaires (mais sans préciser les contours de cette densification), ou de transformer des zones commerciales en logements. Ces mesures restent insuffisantes, alors que l’État ne met pas toujours à disposition son propre foncier pour construire des logements sociaux.
Sur le troisième volet, la proposition du ministre de faciliter l’investissement des bailleurs sociaux relève de la gageure. Au lieu de financer directement le logement social, avec un retour du fonds national des aides à la pierre (FNAP), le gouvernement préfère augmenter les loyers des locataires du parc social, déjà en très grande difficulté, en permettant des dérogations aux plafonds en vigueur. Cette mesure est dangereuse, alors que près d’un locataire sur quatre dans le parc social a été en situation d’impayés au cours des 12 derniers mois, d’après une enquête de février de l’Union sociale pour l’habitat (USH), et que 35 % des locataires HLM vivent sous le seuil de pauvreté. Les possibilités offertes aux bailleurs sociaux de louer davantage de locaux commerciaux ou de faire de la copromotion immobilière relèvent, elles du gadget plus que d’une politique cohérente du logement.
Sur le dernier volet, il s’agit d’une attaque directe sur le modèle du logement social et du principe de mixité sociale propre à la France. Sous prétexte de favoriser l’accès au logement, le ministre du Logement va favoriser l’expulsion de près de 400 000 locataires HLM qui d’après lui dépasseraient les plafonds et bénéficieraient d’un logement social à vie. Cette affirmation est fausse. Seulement 3 % des locataires HLM dépassent les plafonds de ressources et moins de la moitié sont concernés par un surloyer (dépassement de 20 % des plafonds en vigueur). Moins de 8 000 locataires dépassent largement les plafonds de ressources et la loi prévoit déjà leur relogement dans du logement intermédiaire ou la fin de leur bail. Au lieu de réellement investir dans la construction de logements sociaux, le ministre préfère donc accélérer la ghettoïsation des quartiers en attaquant les locataires de la classe moyenne.
Pour les ménages les plus pauvres, le ministre prévoit aussi de donner les attributions dédiées aux préfets pour les ménages DALO à Action Logement afin de loger les salariés. Ce n’est pas en opposant les ménages DALO et les salariés que nous sortirons de la crise du logement actuelle.
La CLCV considère ce projet de loi comme un assemblage hétéroclite de mesures, alliant chasse aux pauvres et aux classes moyennes, et une absence de prise en compte des véritables problèmes du secteur : le prix du foncier et le manque de volonté politique de construire.
Face à la bombe sociale du logement, La CLCV appelle l’ensemble des groupes politiques à rejeter ce texte et construire avec les acteurs du logement, une vraie politique de construction et d’accès au logement abordable.