Le cas de Bashir Biazar, journaliste iranien et militant des droits humains, illustre les complexités et les tensions entre la législation internationale, les principes des droits de l’homme, et les stratégies diplomatiques. Son arrestation à Dijon le 3 juin 2024, suivie d’une expulsion rapide vers l’Iran, soulève des questions de justice et de politique internationale nécessitant une analyse approfondie.
Pour rappel, Bashir Biazar, un journaliste iranien, militant anti-guerre et défenseur de la cause palestinienne, a été interpellé à Dijon et placé en détention administrative à Metz. Résidant en France depuis plus de deux ans avec sa famille, il a été ciblé par un arrêté ministériel d’expulsion qualifié d’« urgence absolue ». Sa situation a rapidement évolué : initialement fixée à 48 heures, sa détention administrative a été prolongée de 28 jours.
Le 3 juillet, Bashir Biazar a été expulsé vers la République islamique d’Iran. Mohammad Mahdi Rahimi, directeur des relations publiques de la présidence iranienne, a exprimé son soulagement sur X (anciennement Twitter) : « Par la grâce de Dieu, le frère Bashir Biazar, arrêté et emprisonné illégalement en France il y a quelques semaines, a été libéré et est maintenant en route pour rentrer chez lui. »
L’arrestation et la rétention de Bashir Biazar avaient déclenché une vive réaction des autorités iraniennes qui avaient condamné l’acte, le qualifiant de violation flagrante des droits de l’homme. En France, son avocat, Rachid Lamoudaa, avait exprimé de sérieuses inquiétudes quant à la légitimité et aux motivations de l’arrestation, insinuant une possible motivation politique derrière l’acte administratif. Selon lui, aucun élément concret du dossier ne justifiait une telle privation de liberté, mettant en lumière un potentiel abus de pouvoir.
Les autorités françaises ont invoqué, selon l’avocat de Bashir Biazar, des accusations non prouvées selon lesquelles Biazar serait un agent d’influence au service de l’Iran. Toutefois, ces allégations n’ont pas été étayées par des preuves tangibles, soulevant des questions sur la validité des procédures légales suivies. Lemoudaa a réfuté ces accusations, notamment celles de « complicité de torture », et a souligné l’absence de réponse appropriée des autorités françaises malgré les demandes répétées pour clarifier la situation.
Une plainte déposée contre Bashir Biazar
L’affaire avait pourtant pris un nouveau tournant judiciaire, puisque des militants franco-iraniens des droits humains, ayant été arbitrairement détenus, condamnés et torturés par la République islamique d’Iran, avaient déposé une plainte à Paris contre X et contre M. Biazar.
Selon les documents consultés par l’AFP, la plainte accuse M. Biazar de « complicité d’actes de torture psychologique et physique, de traitements cruels, inhumains et dégradants » ainsi que d’« intelligence avec une puissance étrangère », comme l’a rapporté leur avocate Chirinne Ardakanni dans un communiqué transmis à l’AFP. Me Ardakanni, avocate également de Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix et détenue à la prison d’Evin à Téhéran, ne souhaite pas que l’expulsion de M. Biazar ait lieu, plaidant pour qu’il soit jugé en France.
L’expulsion de Bashir Biazar met en lumière une situation politique qui ne peut être ignorée ici. Selon l’arrêté d’expulsion émis contre lui, Bashir Biazar serait perçu comme une menace pour « l’ordre public et les intérêts fondamentaux de l’État ». Le ministère de l’Intérieur le considère comme un « agent d’influence » lié à l’unité 840 de la force Al Qods, branche extérieure des gardiens de la Révolution, qui constitue l’armée idéologique de la République islamique. Il aurait été en mission opérationnelle en France pour agir « contre des opposants iraniens ou des cibles juives ou israéliennes ».
Bien que son expulsion ait été saluée par certains, elle ne permettra pas, comme l’espérait Me Ardakanni, avocate de militants franco-iraniens des droits humains, que Bashir Biazar soit jugé en France pour les actes dont il est accusé.
À Téhéran, on considère principalement que l’affaire Bashir Biazar est de nature politique et que la France a arrêté puis maintenu en rétention administrative ce citoyen iranien afin de favoriser la libération de trois ressortissants français détenus de manière arbitraire par l’Iran depuis plus de deux ans. Ces derniers sont Cécile Kohler et Jacques Paris, deux syndicalistes enseignants emprisonnés depuis le 7 mai 2022 et accusés d’espionnage, ainsi qu’Olivier, un autre ressortissant incarcéré depuis octobre 2022, dont la famille a choisi de ne pas divulguer l’identité à sa demande.