En 2021, la pauvreté monétaire demeure une réalité marquante en Bourgogne-Franche-Comté. Près de 13,4 % des habitants de la région, soit environ 357 200 personnes, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ce seuil est fixé à 60 % du niveau de vie médian national, ce qui correspond à un revenu de 1 160 € par mois. Cependant, sans l’effet du système socio-fiscal — un ensemble d’impôts et de prestations sociales —, cette proportion atteindrait près de 20 %. Le système redistributif permet donc de réduire significativement le nombre de personnes en situation de pauvreté, bien que de nombreuses inégalités persistent. Revenons en détail sur la pauvreté dans la région, le rôle de la redistribution et les défis qui en découlent.
Un niveau de vie moyen en dessous du seuil de pauvreté
Les 13,4 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté disposent d’un niveau de vie moyen de 870 € par mois, un chiffre bien en deçà des standards nationaux. À titre de comparaison, le taux de pauvreté en France métropolitaine est de 14,9 %. Dans la région, la pauvreté est donc légèrement moins répandue, mais touche tout de même une part importante de la population. Parmi ces 357 200 personnes, une grande partie sont des familles nombreuses ou monoparentales, deux catégories particulièrement exposées à la précarité.
Le halo de la pauvreté : une zone grise de précarité
En plus des personnes considérées comme pauvres, un autre groupe important vit à la frontière de la pauvreté. Ces personnes, dont les revenus se situent entre 60 % et 70 % du niveau de vie médian, composent ce que l’on appelle le « halo de la pauvreté ». En Bourgogne-Franche-Comté, environ 207 000 personnes, soit 7,8 % de la population, appartiennent à ce groupe. Leur niveau de vie moyen est de 1 250 € par mois. Bien qu’ils ne soient pas officiellement classés comme pauvres, ces individus restent dans une situation précaire et risquent de basculer rapidement dans la pauvreté en cas de perte de revenu ou d’une dépense imprévue.
Le halo de la pauvreté est légèrement plus marqué dans la région qu’à l’échelle nationale, où il représente 7,5 % de la population. Une nouvelle fois, ce sont les familles monoparentales et nombreuses qui sont les plus touchées par cette forme de précarité. Elles sont nombreuses à résider dans des zones urbaines denses, où les besoins de soutien socio-fiscal sont plus élevés.
L’efficacité du système redistributif : une réduction de la pauvreté
Le système socio-fiscal français, à travers les impôts et les prestations sociales, permet de réduire considérablement le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Avant redistribution, environ 19,6 % de la population régionale, soit 521 600 personnes, vivraient dans la pauvreté. Ce système redistributif inclut diverses prestations comme les allocations familiales, les aides au logement, les minima sociaux, et tient compte de la composition des ménages pour ajuster l’impôt sur le revenu. Grâce à ces mécanismes, la pauvreté monétaire dans la région est réduite à 13,4 %, ce qui représente une baisse de 6,2 points.
Cette réduction s’explique par le fait que certaines prestations sociales et ajustements fiscaux permettent à de nombreuses familles de voir leur revenu dépasser légèrement le seuil de pauvreté. En effet, parmi ceux qui échappent à la pauvreté grâce à la redistribution, beaucoup disposent d’un revenu juste supérieur au seuil de pauvreté.
Les inégalités urbain-rural face à la redistribution
Le système redistributif n’affecte pas de manière uniforme toutes les zones géographiques de Bourgogne-Franche-Comté. Dans les grandes zones urbaines comme Dijon, Besançon, Montbéliard et Belfort, la redistribution permet de diminuer le taux de pauvreté de manière significative, avec une baisse d’environ 9 points. Cela s’explique en partie par la concentration de familles monoparentales et nombreuses dans ces zones, qui bénéficient fortement des prestations sociales et des ajustements fiscaux.
En revanche, dans les zones rurales, l’effet de la redistribution est plus limité. La pauvreté y est moins réduite car les personnes âgées vivant seules, très présentes dans ces territoires, sont moins concernées par les prestations sociales. Par ailleurs, avant redistribution, le taux de pauvreté dans les zones rurales est moins élevé que dans les zones urbaines, mais le halo de pauvreté y est plus important. Après redistribution, le taux de halo devient toutefois plus élevé dans les grands centres urbains et les centres urbains intermédiaires, où il atteint 9,5 %.
Une sortie partielle de la pauvreté
Grâce à la redistribution, environ 171 300 personnes en Bourgogne-Franche-Comté parviennent à sortir de la pauvreté. Cependant, près de deux tiers d’entre elles restent dans le halo de la pauvreté, avec un niveau de vie qui dépasse à peine le seuil de pauvreté. Pour ces personnes, la redistribution augmente leur revenu d’environ 350 € par mois, mais elles restent dans une situation fragile.
Pour un tiers des bénéficiaires de la redistribution, l’effet des prestations sociales est plus marqué. Leur niveau de vie augmente de 500 € par mois, atteignant ainsi 1 470 € après redistribution. Cette hausse leur permet de sortir à la fois de la pauvreté et du halo, stabilisant ainsi leur situation financière.
Des familles nombreuses et monoparentales particulièrement soutenues
Le système socio-fiscal français cible particulièrement les familles nombreuses et monoparentales. Les allocations familiales jouent un rôle central, avec une augmentation significative pour les familles à partir de trois enfants. Pour ces familles, les allocations sont 1,5 fois plus élevées que pour les familles de deux enfants. De plus, le calcul de l’impôt sur le revenu prend en compte la taille de la famille, ce qui permet aux familles nombreuses de bénéficier d’une réduction fiscale plus importante.
Les limites du système : une pauvreté résiduelle et des effets pervers
Malgré les effets positifs du système redistributif, environ 350 300 personnes restent pauvres après redistribution. Parmi elles, 20 % ne touchent aucune prestation sociale, souvent parce qu’elles sont âgées et vivent seules ou en couple. Pour les autres, les prestations sociales représentent une part importante de leurs revenus, mais cela ne suffit pas à les faire sortir de la pauvreté.
En outre, le système redistributif peut parfois avoir des effets pervers. Environ 18 000 personnes basculent dans la pauvreté ou le halo en raison de l’impôt sur le revenu. Ces ménages, souvent modestes, voient leur revenu diminuer après imposition, même s’ils ne bénéficient que peu ou pas des prestations sociales. Ce phénomène concerne principalement des couples sans enfant ou des personnes seules dont les revenus sont légèrement supérieurs à la première tranche d’imposition.
En Bourgogne-Franche-Comté, la pauvreté touche encore une part importante de la population, mais le système redistributif socio-fiscal permet de réduire significativement le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Cependant, malgré ces efforts, des inégalités persistent, en particulier entre les zones urbaines et rurales. Les familles nombreuses et monoparentales bénéficient fortement de ce système, mais de nombreuses personnes âgées et certains ménages modestes continuent de souffrir de la précarité. Des ajustements dans l’application de l’impôt sur le revenu et un soutien accru aux personnes âgées pourraient permettre d’améliorer encore l’efficacité de la redistribution.