Hier soir, une cinquantaine de personnes se sont réunies devant la Préfecture de Côte-d’Or à Dijon, à l’appel de la Ligue des Droits de l’Homme, pour protester contre l’expulsion de deux familles de demandeurs d’asile. Originaires de Djibouti et de Géorgie, ces familles se sont retrouvées sans abri, après avoir été contraintes de quitter le centre d’accueil où elles étaient logées, leurs demandes d’asile ayant été refusées. Trois adultes et quatre enfants, âgés de 9 à 12 ans, sont concernés par cette expulsion, qui a eu lieu en plein hiver, exposant ces personnes à des conditions de vie extrêmement précaires.
Le rassemblement s’est déroulé sous des températures glaciales, renforçant encore la détermination des manifestants. Ces derniers ont utilisé une mise en scène symbolique pour exprimer leur indignation et sensibiliser les passants : une « maison » improvisée a été installée sur le trottoir de la préfecture, comprenant une table, des chaises, des jouets et des vêtements d’enfants. Ce symbole, qui visait à représenter la mise à la rue brutale des familles, était très éloquent. « Puisque les autorités mettent les gens dehors, alors nous mettons leur maison dehors pour montrer ce que cela signifie en termes humains », explique Agnès Denis, l’une des organisatrices et militante de la Ligue des Droits de l’Homme. « L’idée était de montrer concrètement à quoi cela ressemble de perdre son toit, surtout en plein hiver, lorsque les nuits sont glaciales ».
La situation est d’autant plus dramatique que les familles concernées, composées de trois adultes et de quatre enfants âgés de 9 à 12 ans, ont été expulsées mercredi matin sans qu’aucune solution d’hébergement ne leur soit proposée. Ces personnes se sont donc retrouvées dans la rue du jour au lendemain, une situation que Paul Garrigues, co-président de la Ligue des Droits de l’Homme à Dijon, qualifie de « déshumanisante » et contraire aux valeurs de la France. « Il y a des droits fondamentaux, surtout quand il s’agit d’enfants, qui doivent primer sur toute considération administrative », a-t-il déclaré lors du rassemblement. « On ne peut pas laisser des familles, en particulier avec des enfants, à la rue en plein hiver, c’est une mise en danger manifeste. Ça met en jeu leur santé, voire leur vie. »
Paul Garrigues a expliqué que ces familles avaient fui des situations dangereuses dans leurs pays d’origine, en espérant trouver en France un refuge et une vie meilleure. Leurs enfants sont actuellement scolarisés en France, et cette expulsion met en péril leur parcours scolaire ainsi que leur bien-être. « Nous sommes face à une contradiction majeure entre le respect des droits de l’enfant, que la France s’engage à protéger par des traités internationaux, et la réalité de ces pratiques d’expulsion qui laissent des enfants à la rue en plein hiver », a souligné Paul Garrigues.
Pour tenter de pallier cette situation de crise, l’association SOS Refoulement est intervenue en offrant temporairement un logement aux deux familles expulsées. Ce logement, a permis de loger les familles durant le week-end dans un appartement Airbnb. « Nous avons pris sur notre budget, même si nous n’avons pas vraiment les moyens. Ce n’est pourtant pas notre rôle, c’est celui de l’Etat », a déclaré Paul Garrigues, insistant sur le fait que les associations ne peuvent pas remplacer les devoirs et les responsabilités de l’Etat. Selon lui, la France, signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant, doit absolument veiller à garantir des conditions de vie minimales et dignes à toute personne sur son territoire, quel que soit son statut administratif.
La Préfecture de Côte-d’Or a répondu aux accusations en expliquant que les deux familles avaient été déboutées de leur demande d’asile et se trouvaient donc en situation irrégulière sur le territoire français. Selon la préfecture, une aide au retour volontaire leur avait été proposée, mais celle-ci a été refusée par les familles. En outre, les familles avaient la possibilité de solliciter le 115, le numéro d’urgence pour obtenir un hébergement temporaire. Cependant, pour les manifestants et les associations, ces mesures sont insuffisantes et témoignent d’un manque de volonté politique de traiter ces situations avec humanité et dignité.
Pour les militants présents, le problème est bien plus large et réside dans une déshumanisation croissante des politiques publiques envers les personnes les plus vulnérables. Le fait de mettre des enfants à la rue, en plein hiver, est pour eux le symptôme d’une approche uniquement administrative et répressive des questions migratoires, sans considération pour l’humain. « Nous demandons un changement de politique, une approche plus humaine et solidaire. Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités et trouve des solutions dignes pour éviter de telles situations », ont insisté plusieurs militants.
Le rassemblement s’est terminé dans une ambiance solennelle, marquée par des prises de parole poignantes et des témoignages de soutien. Les manifestants espèrent que leur action pourra éveiller les consciences et pousser les autorités à agir pour que de telles situations ne se reproduisent plus. Pour Paul Garrigues, « le respect des droits humains, et en particulier des droits des enfants, est une priorité absolue qui doit transcender toute autre considération« . Il appelle les citoyens à se mobiliser et à ne pas rester indifférents face à la précarité croissante qui touche des familles entières.
La Ligue des Droits de l’Homme entend poursuivre ses actions pour dénoncer ces pratiques et faire pression sur les pouvoirs publics. Le message est clair : personne ne devrait être laissé sans abri, et encore moins des enfants, dans un pays qui prône la liberté, l’égalité et la fraternité.