Dans l’hémicycle feutré de l’Assemblée nationale, un silence grave a accompagné, mardi soir, la projection du documentaire Bébés secoués, la violence inavouable, réalisé par Anne Palmowski. À l’origine de cette initiative : la députée de la Côte-d’Or Océane Godard, qui a organisé cet événement en partenariat avec l’association AVI – Action contre les Violences Infantiles. Objectif : briser le tabou d’une violence encore trop méconnue et alerter sur l’ampleur du syndrome du bébé secoué.
« Cette violence n’est pas une fatalité. Elle n’est pas le fruit des pleurs d’un nourrisson. Elle est le résultat d’un acte brutal, d’un adulte qui perd le contrôle face à un enfant sans défense. Il est temps de le dire haut et fort », a déclaré Océane Godard lors de son intervention.
Une réalité alarmante, un fléau silencieux
Le syndrome du bébé secoué, ou Traumatisme Crânien Non Accidentel, touche chaque année environ 500 nourrissons en France, selon Santé publique France. Les chiffres, rappelés au cours du débat, donnent le vertige :
- 1 bébé sur 5 meurt des suites de ces violences.
- Parmi les survivants, 3 sur 4 gardent des séquelles irréversibles : retards moteurs, troubles cognitifs, déficiences visuelles, voire cécité.
- Le geste, d’une violence extrême, est comparable à un accident de voiture à 160 km/h.
- Les auteurs sont identifiés dans 70 % des cas comme étant le père, 20 % des assistants maternels, 10 % la mère.
Ces secousses ne sont jamais accidentelles. Elles sont toujours le produit d’un acte violent. Et souvent, elles interviennent à répétition : selon la Haute Autorité de Santé, un nourrisson est en moyenne secoué dix fois avant d’être pris en charge.
« Ce n’est pas le bébé qui est responsable »
L’un des messages les plus forts portés par Océane Godard est celui de la responsabilité adulte. « Il faut déconstruire cette idée absurde selon laquelle ce seraient les pleurs du bébé qui provoquent ces gestes. Les pleurs ne sont pas coupables. Ce n’est pas plus la faute du nourrisson que la tenue vestimentaire d’une femme n’est responsable d’un viol. La seule cause, c’est l’acte violent d’un adulte. »
Un parallèle fort, assumé, avec d’autres formes de violences intrafamiliales, notamment les féminicides :« Les mécanismes sont similaires : montée de tension, isolement, explosion de violence. Il faut les traiter avec la même gravité. »
Des propositions concrètes pour une réponse nationale
À l’issue de la projection, un débat a permis de faire émerger plusieurs mesures concrètes pour mieux prévenir ces violences et renforcer la réponse publique :
- Changer les mots : abandonner l’expression “bébé secoué”, jugée trop floue, au profit de “Traumatisme Crânien Infligé”, déjà en usage dans les pays anglo-saxons.
- Nommer l’infanticide : lorsque la violence entraîne la mort de l’enfant, l’appeler par son nom.
- Créer des groupes de parole pour les pères, afin d’anticiper les situations de détresse ou de solitude parentale.
- Sensibiliser dès le quotidien, en diffusant des messages de prévention sur les paquets de couches ou dans les maternités.
- Former systématiquement les professionnels de santé, du social, de la petite enfance, dès leur formation initiale.
- Renforcer les sanctions pénales pour établir un interdit clair et dissuasif dans l’opinion publique.
Un appel à l’action politique et sociétale
Membre active de la commission des affaires sociales, Océane Godard a insisté sur la nécessité d’une réponse systémique. « Il faut que chaque professionnel, chaque parent, chaque citoyen sache identifier les signes, comprenne les risques, et sache vers qui se tourner. Il est urgent de parler, d’agir, de protéger. »
Elle appelle à ce que la lutte contre le traumatisme crânien infligé devienne une priorité nationale, au même titre que les violences conjugales : « Ce fléau tue, détruit des vies entières, et il est évitable. Ce que nous devons aux enfants, c’est de ne plus détourner le regard. »