En modifiant le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique, le gouvernement réduit mécaniquement le nombre de logements considérés comme énergivores. Une décision vivement critiquée par l’association de consommateurs CLCV.
Le gouvernement aurait-il trouvé la solution miracle pour lutter contre les passoires énergétiques sans engager un centime dans la rénovation ? C’est ce que dénonce la CLCV (Consommation, Logement, Cadre de Vie) dans un communiqué cinglant publié après la récente réforme du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique).
Le Premier ministre a en effet acté une modification du coefficient d’énergie primaire de l’électricité, le faisant passer de 2,3 à 1,9. Ce changement technique a des effets très concrets : près de 850 000 logements classés F ou G, jusqu’alors considérés comme des passoires thermiques, basculent automatiquement dans des catégories plus favorables. Et ce, sans qu’aucun travaux d’isolation ou de rénovation n’ait été réalisé.
Une réforme de façade
Officiellement, la mesure vise à mieux refléter le mix énergétique français, dominé par le nucléaire, et à encourager la décarbonation du secteur immobilier. Mais pour la CLCV, cette réforme n’est rien de moins qu’une « suppression des passoires énergétiques d’un simple trait de plume ». Elle s’ajoute à une précédente révision opérée en 2024, qui avait déjà retiré 140 000 logements des classes F et G, en corrigeant le calcul des DPE pour les petites surfaces.
Résultat : près d’un million de logements ont été « sortis » des statistiques des passoires énergétiques en à peine un an, sans la moindre amélioration réelle de leur performance.
Des règles instables, un calendrier toujours plus flou
La CLCV dénonce un changement des règles du jeu en pleine partie. Alors même que le DPE devient un critère de plus en plus déterminant pour la location d’un bien (les logements classés G sont interdits à la location depuis janvier 2025, ceux classés F le seront en 2028), cette instabilité réglementaire envoie un mauvais signal aux propriétaires.
Ceux qui ont anticipé les obligations en réalisant des travaux de rénovation énergétique se sentent floués, tandis que d’autres pourraient être tentés d’attendre de nouvelles dérogations. Un attentisme que la CLCV juge dangereux pour la transition énergétique.
Des lacunes persistantes pour les locataires
Par ailleurs, le droit à l’information des locataires reste insuffisamment encadré. Le DPE n’est pas toujours remis au moment de la signature du bail, et rien n’oblige à fournir une version actualisée une fois le document expiré. Les diagnostics antérieurs au 1er juillet 2021 ne sont d’ailleurs plus valides, un point souvent ignoré.
Pire encore, une proposition de loi récemment adoptée par le Sénat impose aux locataires d’engager une procédure judiciaire pour obtenir une diminution de loyer si leur logement est une passoire énergétique. Pour la CLCV, cette indemnisation devrait être automatique, à charge pour le bailleur de démontrer qu’il n’a pas pu rénover pour des raisons indépendantes de sa volonté.
Une stratégie contestée
« Au lieu de guérir le mal, les pouvoirs publics préfèrent casser le thermomètre », ironise la CLCV. Malgré les alertes répétées des acteurs du logement sur l’impossibilité de tenir les objectifs de rénovation énergétique, les gouvernements successifs ont choisi d’édulcorer les chiffres plutôt que d’affronter la réalité.
Face à ce qu’elle considère comme une politique de l’affichage, la CLCV formule trois demandes claires :
- Stabiliser définitivement les modalités de calcul du DPE ;
- Accorder automatiquement une indemnisation aux locataires de passoires thermiques ;
- Rendre obligatoire la transmission d’un DPE actualisé en cours de bail lorsqu’il arrive à expiration.
Autant de mesures qui, selon l’association, remettraient un peu d’équité et de cohérence dans une politique énergétique en mal de crédibilité.