L’annonce a fait l’effet d’une bombe dans le monde du commerce. Le géant asiatique Shein, mastodonte de l’ultra fast fashion, a choisi la France pour ouvrir ses premières boutiques permanentes au niveau mondial. Après une première implantation annoncée au BHV Marais à Paris en novembre, cinq autres magasins doivent suivre dans des Galeries Lafayette de province, dont Dijon.
Un partenariat qui divise
Shein s’appuie pour ce projet sur la Société des Grands Magasins (SGM), propriétaire et exploitant du BHV et de plusieurs Galeries Lafayette en région, dont celle de Dijon. Officiellement, il s’agirait d’un « engagement pour revitaliser les centres-villes partout en France, restaurer les grands magasins et développer des opportunités pour le prêt-à-porter français », selon le communiqué de l’enseigne, qui promet 200 emplois directs et indirects à terme.
Mais la décision fait grincer des dents. Les Galeries Lafayette, qui conservent la gestion de leurs magasins parisiens et restent garantes de l’image de marque, ont tenu à exprimer leur « profond désaccord » avec l’installation de Shein, jugeant ses pratiques en totale contradiction avec leur positionnement et leurs valeurs. Le groupe dit même vouloir « empêcher la mise en œuvre » du partenariat.
SGM, de son côté, assure que ce partenariat respecte « les conditions contractuelles » et affirme maintenir le dialogue.
Un succès populaire… mais contesté
À Dijon, l’enseigne asiatique avait déjà testé son potentiel en ouvrant une boutique éphémère du 26 juin au 5 juillet dernier, rue Piron, en pleine période de soldes. Résultat : 26.573 visiteurs en dix jours, avec des files d’attente quotidiennes, composées en majorité de jeunes femmes entre 18 et 34 ans. Une fréquentation massive qui s’était traduite aussi, selon Shein, par un impact positif sur les commerces voisins – près de 30 % des clientes ayant profité de leur passage pour consommer ailleurs dans le centre-ville.
Mais l’arrivée de la marque avait également suscité des réactions hostiles. La façade du pop-up store avait été taguée dès le premier jour : « Shein tue », « exploitation », « esclavage », « pollution ». Des slogans dénonçant les accusations qui poursuivent la marque depuis des années : conditions de travail indignes, impact environnemental massif et concurrence déloyale vis-à-vis des acteurs européens soumis à des normes plus strictes.
Un avenir incertain pour les Galeries Lafayette de Dijon
Alors que Shein se prépare à s’installer durablement, l’avenir des Galeries Lafayette de Dijon semble s’écrire dans l’ambiguïté. Officiellement, le grand magasin de la rue de la Liberté n’est plus exploité par le groupe Galeries Lafayette mais par SGM. Mais le rejet public exprimé par le groupe parisien soulève une question : quelle image pour le magasin dijonnais si Shein s’y implante ?
Le risque est double : d’un côté, la promesse d’un regain d’attractivité et d’un public jeune, à l’heure où les grands magasins peinent à se réinventer ; de l’autre, la menace d’une perte de prestige pour une enseigne historique, associée à une marque symbole de l’ultra fast fashion et de ses dérives.
La question reste entière : l’implantation de Shein sera-t-elle un nouveau souffle pour le commerce du centre-ville dijonnais ou un tournant risqué pour l’image des Galeries Lafayette ?