Réunis ce week-end à l’appel de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs, plusieurs dizaines d’exploitants ont manifesté à Créancey contre l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Officiellement, il s’agissait de dénoncer un texte jugé dangereux pour les filières françaises. Mais pour la Confédération paysanne, qui a réagi par communiqué, la mobilisation cache « une tentative de faire oublier la colère suscitée par la gestion de la DNC ».
Le syndicat agricole minoritaire salue certes la « pression paysanne et citoyenne » qui a contribué au report annoncé jeudi de la ratification du traité de libre-échange. Une victoire en demi-teinte, selon lui : ce report ne serait « qu’une manœuvre tactique pour désamorcer l’opposition croissante » dans le monde agricole et au sein de la société civile.
« Pas question de lâcher jusqu’à l’abandon »
La Confédération paysanne assure qu’elle poursuivra sa mobilisation jusqu’au retrait pur et simple de l’accord. Elle pointe le cœur du problème : la concurrence internationale entre agriculteurs, accusée de fragiliser les revenus, la qualité alimentaire et la souveraineté agricole européenne.
« Notre agriculture ne doit pas être sacrifiée au nom de considérations purement commerciales », dénonce l’organisation, qui établit un parallèle direct avec la crise sanitaire liée à la DNC (dermatose nodulaire contagieuse) dans les élevages bovins.
DNC : colère contre une stratégie jugée « inhumaine »
Six mois après les premiers foyers en France, plus de 3 000 bovins ont été euthanasiés, rappelle le syndicat, qui dénonce des « abattages totaux » touchant majoritairement des animaux sains. Cette politique serait, selon lui, imposée « contre l’avis de la majorité de la profession » par le ministère de l’Agriculture, incarné par Christophe Béchu et la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher jusqu’au récent remaniement — le communiqué vise désormais le ministre Genevard.
La Confédération paysanne juge la stratégie « incompréhensible, inacceptable et contre-productive », accusant la FNSEA — syndicat majoritaire — de défendre avant tout « un système agro-industriel dépendant du commerce international ».
Accusations de diversion
Dans son communiqué, l’organisation estime que la mobilisation contre le Mercosur constitue « une opportunité » pour la FNSEA de détourner l’attention de son rôle dans la gestion de la crise sanitaire et « du carnage toujours en cours ».
Elle dénonce un « écran de fumée » alors que « la colère grandit dans les campagnes » et que nombre d’agriculteurs contestent la faible rémunération, la pression concurrentielle et la multiplication des fermes en difficulté.
Appel à la souveraineté alimentaire
La Confédération conclut en appelant à rompre avec le « diktat du commerce international » et affirme rester mobilisée en Côte-d’Or et au niveau national. Pour elle, les priorités sont claires : une gestion « humaine » de la DNC sans euthanasies systématiques, l’abandon du projet Mercosur et l’arrêt de tous les accords de libre-échange jugés néfastes pour les agriculteurs.
Aucune date de nouvelle mobilisation n’a encore été annoncée, mais le syndicat prévient : « la colère ne s’arrêtera pas tant que les fermes ne seront pas protégées et le travail payé dignement ».
Communiqué de presse du 22 décembre 2025 :
Manifestation de la FDSEA-JA à Créancey contre le Mercosur pour faire oublier la colère des agriculteurs face à la DNC
Sous la pression de la mobilisation paysanne et citoyenne, les dirigeants européens et du Mercosur ont annoncé un report de la ratification de l’accord de libre-échange. Nous ne sommes pas dupes : ce report est seulement tactique pour sauver les meubles et désamorcer l’opposition croissante et partagée dans le monde agricole et la société civile. Nous nous réjouissons que la pression mise sur le terrain commence à payer concrètement !
La Confédération paysanne va poursuivre son action jusqu’à l’abandon pur et simple de cet accord, dont l’essence même est la mise en concurrence des paysan·nes au détriment de notre revenu, de la qualité de notre alimentation, de notre souveraineté alimentaire et de notre environnement.
A l’instar de ce qui se passe avec la crise sanitaire DNC, nous refusons que notre agriculture et nos fermes soient sacrifiées pour des considérations purement commerciales. Six mois après l’apparition des premiers foyers de DNC en France, après plus de 3000 vaches euthanasiées pour la grande majorité saines dans de cruels abattages totaux, la DNC continue de se propager. La stratégie inhumaine imposée par notre ministre Genevard est un échec. Cette gestion imposée contre l’avis de la majorité de la profession et par la répression, n’est plus tenable car elle est devenue incomprise, inacceptable et de fait contre-productive. Il s’agit pour la FNSEA, grand ordonnateur de la cogestion agricole, de sauver coûte que coûte son système agro-industriel, avec ses filières dépendantes du commerce international et donc du libre échange, en sacrifiant autant de fermes que nécessaire au nom d’un soit disant bien commun.
Cette stratégie est largement rejetée dans nos campagnes et la mobilisation contre ce mauvais accord du Mercosur, malgré toutes les ambiguïtés de la FNSEA à ce sujet, semble une bonne opportunité pour le syndicat majoritaire de détourner l’attention sur son rôle prépondérant dans le carnage toujours en cours, cruel et évitable, de milliers de vaches face à la DNC et de réapparaître actif et soucieux du monde agricole.
La colère grandit et ne s’arrêtera pas tant que nos fermes ne seront pas protégées, que notre travail ne sera pas rémunéré dignement de manière structurelle et protégé de la concurrence internationale. Affranchissons nous du diktat du commerce international qui sacrifie nos fermes. La Confédération paysanne restera mobilisée en Côte d’Or et ailleurs, en toute cohérence, pour une gestion humaine de la DNC sans abattages totaux, contre les accords de libre échange du Mercosur et de tous les autres qui sacrifient la souveraineté alimentaire et les paysan.nes du monde entier.
