Ce lundi 27 janvier 2025, à l’école élémentaire Paulette LÉVY de Dijon, s’est tenue une cérémonie empreinte de recueillement pour commémorer le 80ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. Ce moment solennel a réuni élèves, enseignants, élus, représentants associatifs et habitants pour honorer la mémoire des victimes de l’Holocauste.
Des lectures poignantes pour débuter
La cérémonie a débuté avec la lecture de deux textes marquants : un extrait de Paroles d’étoiles – Mémoire d’enfants cachés (1939-1945), écrit par Clara, et un passage du Journal d’Anne Frank. Ces mots chargés d’émotion ont été portés par trois élèves de l’école : Solène Philippe, Chloé Fauchard et Garance Kanhye. En présence du directeur de l’école, Pierre Paccoud, et de Capucine d’Athis, représentante du Conseil Municipal d’Enfants (CME), les jeunes ont su transmettre toute la profondeur de ces témoignages.
Une minute de silence a suivi, permettant à chacun de se recueillir en mémoire des millions de victimes de la barbarie nazie. Puis, la chanson « Nuit et Brouillard » de Jean Ferrat a été diffusée, accompagnée de cartes où figuraient les paroles. Ce morceau a rappelé avec force le souvenir de ceux qui ont été réduits à des « ombres » et « des nombres ».
Un hommage collectif par le dépôt des roses blanches
Un moment fort de la cérémonie a été le dépôt de 50 roses blanches en hommage aux victimes. Mme la maire Nathalie Koenders et Capucine d’Athis ont déposé les premières roses, suivies des élus, des représentants d’associations d’anciens combattants et résistants, ainsi que des 39 élèves de l’école, du CP au CM2.
Un discours vibrant d’histoire et de vigilance
Le discours de la maire de Dijon, Nathalie Koenders, a marqué les esprits par son intensité et sa profondeur. Elle a ouvert son allocution en évoquant l’image glaçante des camps : « Une voie ferrée en guise d’horizon, un portail en fer forgé surmonté d’une inscription. L’évocation de cette image suffit à glacer le sang. » Mme Koenders a rappelé que le camp d’Auschwitz-Birkenau, libéré par les troupes soviétiques le 27 janvier 1945, était devenu le sinistre emblème des crimes nazis. Plus d’un million cent mille personnes y ont péri, principalement des Juifs, mais aussi des Tsiganes, des prisonniers de guerre, des résistants, des handicapés et des homosexuels.
Elle a souligné que l’école Paulette LÉVY, où se tenait la cérémonie, était un lieu lourd d’histoire : « Ces murs – entre lesquels de jeunes dijonnais apprennent aujourd’hui à comprendre le monde et à se lier aux autres – ont été les témoins d’atrocités qui bafouent les fondements mêmes de notre humanité. » Elle a évoqué les rafles de 1944, lorsque 89 hommes, femmes et enfants furent détenus dans cette école avant d’être déportés. Elle a rendu hommage à Paulette Lévy et Gilbert Cahn, deux rescapés de ces rafles, et a annoncé l’installation prochaine d’une nouvelle plaque commémorative pour perpétuer leur mémoire.
Un appel à la vigilance face à la haine
Mme Koenders a poursuivi son discours en rappelant que le devoir de mémoire n’est pas seulement un hommage, mais un acte de vigilance. Elle a dénoncé les résurgences de l’antisémitisme, rappelant que 1 570 actes antisémites ont été recensés en France en 2024, et que la haine sous ses diverses formes n’est jamais totalement éteinte : « Déjà, parce que les tentatives pour minimiser ou nier l’extermination planifiée d’un peuple tout entier sont encore trop nombreuses. Et parce que, l’actualité nous le montre, la haine n’est jamais complètement éteinte. Elle menace de surgir à tout moment. »
Elle a également fait écho à des événements récents, notamment les attaques terroristes et les tensions internationales, tout en saluant les démarches fragiles de paix, comme celle ayant conduit à la libération de certains otages israéliens détenus par le Hamas.
Un hommage aux résistants dijonnais
La maire a profité de cette commémoration pour rendre hommage à Jean Grenier-Godard, l’un des plus jeunes résistants de Côte-d’Or, récemment décédé, ainsi qu’à sa mère Blanche Grenier-Godard, héroïne de la Résistance ayant sauvé près de 8 000 personnes. Elle a également salué les travaux des historiens, tels que Dimitri Vouzelle, qui permettent de continuer à enrichir la mémoire collective.
Un engagement commun pour l’avenir
Le discours s’est conclu sur un appel à ne jamais céder à la haine et à défendre les droits fondamentaux : « Ensemble, en leur rendant hommage, nous restaurons la dignité la plus fondamentale de ceux qui, dans la chanson, ‘n’étaient plus que des nombres’. Ensemble, nous réaffirmons notre engagement commun : celui de tout faire pour que notre compassion la plus élémentaire rende impossible un nouvel Auschwitz. »
Cette cérémonie n’a pas seulement été un moment de mémoire, mais un rappel de l’importance de la transmission et de la vigilance. Alors que les derniers témoins directs de la Shoah s’éteignent, la responsabilité incombe désormais aux générations futures de maintenir vivante cette mémoire, pour que plus jamais l’histoire ne se répète.
Allocution de Nathalie KOENDERS, maire de Dijon, prononcée ce lundi matin à l’école Paulette Lévy à l’occasion de la commémoration des 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau.
COMMÉMORATION DES 80 ANS DE LA LIBÉRATION DU CAMP D’AUCHWITZ-BIRKENAU ALLOCUTION DE NATHALIE KOENDERS, MAIRE DE DIJON
Monsieur le directeur de cabinet, représentant Monsieur le préfet de région Bourgogne – Franche-Comté, préfet de la Côte-d’Or, Olivier GERSTLÉ, Monsieur l’adjoint délégué aux anciens combattants, au devoir de mémoire, à l’engagement citoyen et à la défense nationale, Jean-Philippe MOREL, Monsieur le directeur de l’école Paulette Lévy, Pierre PACCOUD, Monsieur l’adjoint délégué à l’éducation, Franck LEHENOFF, Monsieur l’inspecteur d’académie, directeur académique des services de l’Éducation nationale, David MULLER,
Mesdames, Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames, Messieurs les représentants et représentantes d’associations d’anciens combattants, résistants et déportés,
Chère représentante du Conseil municipal d’enfants, Capucine,
Chers élèves, chers enseignants,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Une voie ferrée en guise d’horizon, un portail en fer forgé surmonté d’une inscription. L’évocation de cette image suffit à glacer le sang.
J’étais venue ici-même, il y a onze mois, le 26 février 2024, pour commémorer les 80 ans de l’insoutenable arrestation de masse que fut la dernière des 3 rafles perpétrées à Dijon pendant l’Occupation. Mémoire et reconnaissance tissèrent en réalité le fil rouge de l’année 2024 : la remise des insignes d’Officier de la Légion d’honneur, par Monsieur François REBSAMEN, au résistant déporté Henri MOSSON, l’hommage solennel rendu à Missak et Mélinée MANOUCHIAN lors de leur entrée au Panthéon, la pose de pavés de mémoire en l’honneur des victimes juives de la première rafle, la célébration festive du 80ème anniversaire de la Libération de Dijon. Notre ville toute entière s’est rappelé et a honoré celles et ceux qui, courageusement, se sont battus, ont résisté, pour faire vivre, contre les ténèbres de la cruauté et de l’inhumanité, les couleurs de la liberté et de la fraternité.
Aujourd’hui, nous commémorons ce moment où l’obscurité de la nuit et l’étouffant brouillard, peu à peu, se déchirèrent et cédèrent la place à la lueur du jour. Il y a exactement 80 ans, le monde découvrait avec effroi le triste emblème des crimes barbares commis par le régime nazi. En près de 5 ans, plus d’un million cent-mille femmes et hommes, pour l’essentiel de confession juive – mais aussi parce qu’ils étaient tsiganes, prisonniers de guerre, opposants politiques, résistants, handicapés ou homosexuels -, furent assassinées dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Ce lieu, monstrueux nstrument de ce que les nazis appelaient cyniquement la « solution finale », est libéré par les troupes soviétiques dans l’après-midi du 27 janvier 1945. Elles y découvrent alors l’horreur des camps, peinant à croire l’immensité des abominations qui y ont été commises, pourtant attestées par le témoignage des 7 000 déportés rescapés encore sur place.
À l’aube de l’année 2025, en cette journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, il n’y a probablement pas de lieu plus symbolique que l’école Paulette LÉVY – à l’époque « école Jules FERRY » – au sein de laquelle nous sommes aujourd’hui réunis. Ces murs – entre lesquels de jeunes dijonnais apprennent aujourd’hui à comprendre le monde et à se lier aux autres – ont été les témoins d’atrocités qui bafouent les fondements mêmes de notre humanité. Du 24 février au 2 mars 1944, 89 hommes, femmes et enfants ont été détenus ici-même avant d’être déportés le 7 mars, vers le camp de Drancy, antichambre d’Auschwitz-Birkenau où la mort les attendait.
Les recherches rigoureuses des historiens et la découverte d’archives jusqu’ici inconnues nous permettent, encore aujourd’hui, 80 ans après, d’enrichir nos connaissances sur les faits historiques.
À ce propos, je veux saluer le travail de Monsieur Dimitri VOUZELLE, docteur en histoire contemporaine et professeur d’histoire-géographie au lycée international Charles-de-Gaulle, qui nous éclaire davantage quant aux circonstances de ce sinistre épisode de la Shoah. Nous savons désormais que les rescapés de cette rafle sont au nombre de deux : Paulette LÉVY, dont le nom est apposé devant cette l’école, et Gilbert CAHN. Sur la base des recherches de Monsieur VOUZELLE et de celles de l’association « Mémoires vives », une nouvelle plaque commémorative, en remplacement de celle inaugurée il y a maintenant plus de 10 ans, sera installée.
« Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez » – comme le chante Jean FERRAT -, nous nous souvenons de celles et ceux qui, au simple motif de leur confession, origine, conviction ou orientation sexuelle, furent victimes de ce que l’humain a pu concevoir de pire. La transmission du récit de ce sombre passage de l’histoire aux jeunes générations est un enjeu d’autant plus fort aujourd’hui qu’année après année, les témoins directs sont de moins en moins nombreux. Je voudrais d’ailleurs ici rendre hommage à Monsieur Jean GRENIER-GODARD, l’un des plus jeunes résistants de Côte-d’Or – il n’avait que 11 ans à l’époque -, qui nous a quittés en ce début d’année 2025, à l’âge de 95 ans. Il nous avait fait l’honneur de sa présence, lorsqu’en mai dernier, nous avions inauguré une allée au nom de sa mère, Blanche GRENIER-GODARD, Dijonnaise à la tête d’un réseau de résistance, qui aida environ 8 000 personnes à passer en zone libre.
Commémorer les événements tragiques du passé et rendre hommage à celles et ceux qui en ont été victimes n’est pas seulement un acte de souvenir, c’est aussi un acte de vigilance. Une vigilance que la raison nous commande de ne jamais relâcher. Déjà, parce que les tentatives pour minimiser ou nier l’extermination planifiée d’un peuple tout entier sont encore trop nombreuses. Et parce que, l’actualité nous le montre, la haine n’est jamais complétement éteinte. Elle menace de surgir à tout moment. Venue de nulle part, elle refait surface ici et là, en Europe et partout dans le monde, y compris là où on ne l’attend pas. Madame Simone VEIL nous rappelle que le pire est toujours possible. Je la cite : Il reste pour moi inexplicable que les musiciens, les écrivains et les philosophes d’un pays démocratique aient pu en quelques années laisser basculer leur pays dans un régime totalitaire, pourchassant ses opposants politiques, avant d’exterminer systématiquement les Juifs et les Tsiganes. Les propos de celle qui revint de l’enfer d’Auschwitz et qui consacra sa vie à bien des combats au service d’un engagement résolument humaniste, ont une résonnance particulière aujourd’hui, alors que les régimes autoritaires se multiplient autour de la planète.
Tandis que l’antisémitisme fait, de manière inquiétante, encore rage aujourd’hui en France et dans le monde, alors qu’il prend de nouvelles formes, pour certaines plus insidieuses, je pense, le cœur serré, aux otages israéliens encore détenus par le Hamas. Leur libération prévue dans le cadre du cessez-lefeu entré en vigueur dimanche 19 janvier est un premier pas, et 4 d’entre eux ont pu retrouver leur famille ce week-end. Bien que fragile, ce répit nécessaire constitue un espoir pour que s’ouvre à terme un processus de paix au Proche-Orient. Je pense aussi évidemment aux dizaines de milliers de victimes civiles. Autant de personnes innocentes, de vies et de familles anéanties par une haine aussi aveugle qu’insensée, que, par humanité, nous ne pouvons pas nous résoudre à accepter.
La France n’est pas épargnée par l’antisémitisme. Les chiffres communiqués il y a quelques jours par le Conseil représentatif des institutions juives de France le montrent : 1 570 actes antisémites ont été recensés en France sur l’année 2024, certes une centaine de moins qu’en 2023. Mais je m’inquiète des niveaux historiquement hauts observés depuis la sanglante attaque terroriste du 7 octobre 2023. Je pense aussi à toutes les personnes, à travers le monde, qui subissent haine et violence en raison de leur origine, de leurs croyances ou opinions, de la couleur de leur peau, de leur identité de genre, de leur orientation sexuelle, de leur handicap ou de leur situation personnelle.
Le rejet et la persécution de l’autre, quelle qu’en soit la raison ou la manifestation, ne peuvent pas être tolérés. Sept jours se sont écoulés depuis le retour de Donald TRUMP à la Maison-Blanche. Sept jours seulement, et déjà, la détestation est décomplexée, les droits, en particulier pour les femmes, les étrangers et les membres de la communauté LGBTQIA+, reculent. Et quel effarement d’entendre des néo-nazis se réjouir ostensiblement du geste abject effectué par le milliardaire Elon MUSK, à l’occasion de l’investiture du nouveau président de la première puissance mondiale.
Face à ce terrifiant débordement de haine, il est de notre devoir, en tant que membres de la famille humaine – telle est la formule dans la Déclaration universelle des droits de l’homme – de ne jamais transiger, de ne jamais nous résigner face à l’inacceptable, de ne jamais banaliser l’insoutenable.
Ensemble, en leur rendant hommage, nous restaurons la dignité la plus fondamentale de ceux qui, dans la chanson, « n’étaient plus que des nombres », et je dirais aussi n’étaient plus que des ombres. Ensemble, nous réaffirmons notre engagement commun : celui de tout faire pour que notre compassion la plus élémentaire rende impossible un nouvel Auschwitz.
Je vous remercie.


















