Une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a récemment mis au jour une série de sépultures gauloises exceptionnelles lors des travaux de restructuration du groupe scolaire Joséphine Baker à Dijon. Réalisées entre octobre et décembre 2024 sur une superficie de 1000 m², ces fouilles, prescrites par l’État via la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bourgogne-Franche-Comté, ont révélé des vestiges couvrant des périodes allant de l’Antiquité à l’époque contemporaine, avec en point d’orgue ces sépultures gauloises atypiques.
Des inhumations rares et fascinantes
Au cœur de ces découvertes, les archéologues ont identifié treize fosses circulaires datant probablement du second âge du Fer (entre 300 et 200 avant notre ère). Disposées en ligne droite sur une longueur de 25 mètres, ces fosses, d’environ un mètre de diamètre chacune, abritaient des individus adultes inhumés dans une posture inhabituelle : assis au fond des fosses, le dos appuyé contre la paroi orientale, les bras le long du buste et les mains proches du bassin ou des cuisses. Les jambes, très fléchies et souvent asymétriques, complètent cette posture unique.
Malgré l’érosion ayant affecté certaines structures, les squelettes sont dans un état de conservation remarquable. Aucun mobilier funéraire n’accompagnait les défunts, à l’exception d’un brassard en roche noire, daté entre 300 et 200 avant notre ère, confirmant ainsi l’époque gauloise de ces sépultures.
Un contexte plus large : occupation et rites funéraires
Cette découverte s’inscrit dans un contexte archéologique déjà documenté à Dijon. Dans les années 1990, des sépultures similaires avaient été mises au jour à proximité, dans le quartier Sainte-Anne. Ces sites, répartis sur un territoire allant de la parcelle de la rue Turgot jusqu’au nord, suggèrent une occupation continue et structurée, marquée notamment par la présence d’un imposant fossé défensif et d’une zone dédiée à l’ensevelissement d’animaux (chiens, moutons et porcs). Ces dépôts d’animaux, associés à des pratiques cultuelles, pourraient témoigner de l’existence d’un sanctuaire ou d’un lieu de culte gaulois.
Une pratique funéraire codifiée et énigmatique
Bien que rares, des inhumations en position assise sont documentées dès le Mésolithique et tout au long de la Protohistoire. Toutefois, la concentration de treize sépultures similaires dans un espace restreint, leur disposition soignée et l’uniformité des gestes funéraires en font une découverte exceptionnelle.
Ces pratiques, associées à une élite sociale ou religieuse, se retrouvent sur une douzaine de sites archéologiques en France et en Suisse. Ces tombes, situées généralement en périphérie des habitats aristocratiques ou des lieux de culte, semblent destinées à des individus particuliers, souvent masculins, peut-être liés à la sphère politique, guerrière ou religieuse. Les similitudes avec des représentations gauloises en pierre ou en métal de personnages accroupis renforcent l’idée d’un statut spécial pour ces défunts.
Des questions en suspens
Cette découverte soulève de nombreuses interrogations sur le rôle et le statut de ces individus. Étaient-ils des membres de familles dominantes, des guerriers, ou des figures religieuses ? Pourquoi leur inhumation adoptait-elle une posture si particulière ? Les recherches futures, combinant analyse archéo-anthropologique et étude comparative, pourraient apporter des réponses.
Une nécropole gallo-romaine voisine
Par ailleurs, les fouilles ont également révélé une nécropole gallo-romaine dédiée à l’inhumation d’enfants en bas âge, datée du Ier siècle de notre ère. Cette découverte met en lumière une transition progressive des pratiques funéraires et l’évolution des usages funéraires au fil des siècles dans cette région.
L’Inrap : un acteur clé de la recherche archéologique
Avec près de 2400 agents et un vaste réseau de centres de recherche, l’Inrap s’impose comme le plus grand opérateur de recherche archéologique en Europe. Cette nouvelle fouille, dirigée par Hervé Laganier et l’archéo-anthropologue Annamaria Latron, témoigne de son rôle central dans l’exploration et la valorisation du patrimoine historique.
La fouille de la rue Turgot, au cœur de Dijon, offre une opportunité exceptionnelle d’approfondir nos connaissances sur les pratiques funéraires gauloises et sur l’organisation sociale de cette période. Si cette découverte est encore en cours d’analyse, elle promet d’enrichir significativement notre compréhension des sociétés protohistoriques et de leur rapport à la mort.







