Ce devait être une belle aventure entrepreneuriale. Une salle innovante mêlant culture, réflexion et formation. Un projet audacieux porté par un homme passionné, désireux d’apporter un concept nouveau à ce quartier du centre-ville de Dijon : DreamAway, une expérience immersive d’escape games culturels, d’initiations aux gestes qui sauvent, et d’animations thématiques autour d’Anne Frank ou de Claude Monet.
Mais depuis plus d’un an, Josselin Thiébault, fondateur de l’établissement situé 24 boulevard de Brosses, vit un véritable cauchemar.
Un environnement intenable
Tout a basculé dès les premiers mois d’exploitation. Situé dans un ancien local commercial ayant hébergé le restaurant Flunch, DreamAway Dijon subit des nuisances sonores intenses provenant de la salle de sport L’Appart Fitness, installée à l’étage supérieur.
« Voici ce que je subis depuis plus d’un an, ce qui nuit à mon commerce (j’ai dû licencier l’une de mes salariées et j’ai un manque à gagner de 55.000 € en BtoB), à ma santé, à la santé de ma salariée restante », confie-t-il, visiblement à bout.
Selon lui, plus de 5,5 millions d’impacts sonores ont été enregistrés : « Poids lâchés, pas de courses qui font vibrer mes meubles, soulevés de terre de centaines de kilos qui font vibrer l’immeuble, le plancher, les meubles, l’eau de ma cafetière tel un tyrannosaure dans Jurassic Park !!!. Les cours collectifs simulent de vrais tremblements de terre. »
Une chaîne de responsabilités défaillante
Le pire, selon lui, c’est que tout le monde savait. L’agence immobilière BUET Immobilier, qui gère l’immeuble et en assure aussi la gestion en tant que syndic, avait été alertée par les anciens voisins, se plaignant de nuisances depuis plus d’un an et demi. Des travaux avaient été exigés en 2022. « Quelques mois à peine avant ma prise de contact avec l’agence qui ne m’a jamais informé de cela », déplore-t-il.
Cette omission d’information, selon lui, a eu des conséquences directes sur le développement de son activité. Un restaurant devait ouvrir au rez-de-chaussée en même temps que DreamAway, apportant un flux essentiel de clients. « Mais ils se sont sûrement aperçus des nuisances et ont annulé le projet… Ce restaurant était une pierre angulaire de mon business plan. »
« Je n’ai jamais eu la jouissance paisible de mon local, pas à un seul instant. Et pourtant, on me rappelle bien mon obligation de payer le loyer chaque mois », dénonce-t-il. Il pointe le non-respect des obligations contractuelles : « Aucune autre partie ne respecte ses obligations : ni le bailleur (délivrance et jouissance paisible), ni l’agence immobilière (information, transparence, impartialité), ni la salle de sport (occupation paisible, absence de nuisances aux voisinages). »
Des démarches épuisantes
Pendant des mois, il tente la voie amiable. « Des centaines de mails, d’octobre 2023 à avril 2024. Puis d’avril à août 2024 avec un conciliateur de justice. Plusieurs accords ont été pris : envoi de devis, proposition d’indemnisation, arrêt des nuisances… Aucun n’a été respecté. »
L’affaire est portée devant la justice. « L’assignation était prévue le 23 octobre. Elle a été reportée encore et encore… jusqu’au 29 janvier 2025. Pendant ce temps, j’ai cessé de payer le loyer. »
Mais le juge ordonne malgré tout le paiement des sommes dues. « Ce que j’ai fait dans la foulée », précise-t-il, non sans amertume. « On me fait passer pour un mauvais payeur alors que je payais tout sans jamais avoir eu la moindre jouissance de mon local. »
Une expertise à ses frais
L’entrepreneur doit désormais débourser 4.000 € pour une expertise acoustique, « en plus des frais d’avocats », pour prouver ce que tout le monde reconnaît déjà : l’existence et l’origine des nuisances. « Alors qu’un accord amiable avait été signé, que les parties avaient constaté les nuisances directement dans mon local, et qu’un constat de commissaire de justice a été réalisé. »
« Ma demande d’indemnisation a été refusée à ce stade, alors que dans l’accord amiable, l’agence immobilière – représentante du propriétaire – s’était engagée à une indemnisation avant fin août 2024. Le péril imminent n’a pas été démontré. Il aurait fallu que j’attente à mes jours avant l’audience… »
Et de conclure : « Cela va peut-être prendre 6 mois ou 2 ans… comme me prévient mon avocate. »
Conséquences psychologiques et professionnelles dramatiques
L’impact humain est majeur. « J’ai perdu 15 kg ces dernières semaines, je ne mange presque plus, mon traitement antidépresseur a été doublé… Je suis dans un état critique de résistance psychologique, pris de désespoir hier soir dans un pic de nuisances. En lisant les conclusions des avocats adverses, je m’inquiétais pour ma propre survie à cette affaire – pas seulement dans le sens entrepreneurial du terme. »
Les réactions de la salle de sport : hostilité et silence
Malgré ses tentatives de dialogue avec les usagers de L’Appart Fitness, Josselin se heurte à une indifférence voire une hostilité manifeste. « Je dépose dans les parties communes un message à l’attention des sportifs (bienveillant et leur demandant simplement de faire des efforts dans l’utilisation de leur matériel). La salle de sport arrache le message, plusieurs fois par jour. »
« La salle de cours collectifs continue d’être utilisée en dehors des cours par des sportifs qui frappent au sol des medecine balls le plus fort possible. »
Et de comparer avec la salle Basic-Fit de la Cité de la Gastronomie, qui a pris des mesures concrètes : « Ils ont mis un message interdisant l’utilisation de poids dans certains espaces. Ici, c’est tout l’inverse. Je ne vois pas comment traduire cela autrement que comme une réelle volonté de nuire à mon commerce, mais aussi à ma personne et à ma santé. »
Contactée, L’Appart Fitness n’a pas donné suite à nos sollicitations. L’avenir de DreamAway Dijon est désormais suspendu au résultat de l’expertise acoustique, condition sine qua non pour engager la responsabilité des parties et espérer une indemnisation. Mais le délai est long, et la santé de Josselin Thiébault ne lui garantit plus le luxe d’attendre. « Ce qui devait être une belle aventure culturelle est devenu un champ de ruines. »