Le ministre d’État, garde des Sceaux et ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a donné ce mardi le coup d’envoi officiel des États généraux de l’insertion et de la probation (EGIP). Une initiative majeure qui marque l’ambition gouvernementale de refonder en profondeur la politique pénale et les missions des Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).
Une démarche de fond pour repenser la peine
C’est dans les salons de la Chancellerie que Gérald Darmanin a réuni ce jour les principaux acteurs de la chaîne pénale, de l’administration pénitentiaire, du monde associatif, des élus, chercheurs et partenaires sociaux. Objectif : ouvrir un large processus de concertation pour interroger le sens, la portée et l’efficacité de la peine, et mieux intégrer les logiques de réinsertion et de prévention de la récidive.
L’initiative s’inscrit dans la continuité de la politique pénitentiaire initiée par le ministre depuis son entrée en fonction. Dès janvier dernier, à l’occasion de la prestation de serment des agents pénitentiaires à l’ENAP, il annonçait une série de mesures pour transformer la prison. Le 12 mai, dans une lettre aux magistrats, il confirmait sa volonté de réformer le “bloc peines” et de placer la probation et l’insertion au cœur de la stratégie judiciaire.
Les SPIP : un pilier méconnu mais essentiel de la justice
Créés il y a 25 ans, les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sont souvent invisibles du grand public, mais jouent un rôle déterminant dans la politique pénale.
Composés de conseillers d’insertion et de probation, de surveillants, de psychologues, d’éducateurs, d’assistants sociaux ou encore de coordinateurs culturels, les 103 SPIP répartis sur l’ensemble du territoire ont pour mission de suivre, évaluer, accompagner et encadrer les personnes placées sous main de justice (PPSMJ), qu’elles soient en milieu fermé ou en milieu ouvert.
Les agents interviennent :
- Avant la condamnation (pré-sentenciel) : pour évaluer la situation de l’individu et éclairer le magistrat sur la décision à prendre ;
- Après condamnation (post-sentenciel) : pour assurer l’exécution des peines, en veillant au respect des obligations imposées (travail d’intérêt général, suivi psychologique, interdiction de contact, etc.) ;
- En détention, pour préparer activement la sortie des personnes incarcérées, en lien avec des partenaires comme Pôle emploi, les missions locales, les structures de santé ou d’hébergement ;
- En milieu ouvert, où ils assurent le suivi des aménagements de peine (libération conditionnelle, bracelet électronique, sursis probatoire…).
Par leurs actions, les SPIP contribuent activement à la réduction des risques de récidive en assurant un accompagnement individualisé des condamnés.
Une large concertation nationale jusqu’à la fin de l’année
Les États généraux de l’insertion et de la probation, dont la préparation a débuté en avril, s’appuient sur une mission d’appui pilotée par l’Inspection générale de la Justice, en lien étroit avec la direction de l’administration pénitentiaire et la direction des affaires criminelles et des grâces.
Après cette phase de lancement, plusieurs temps forts sont à venir :
- Septembre 2025 : organisation de tables rondes nationales et locales impliquant professionnels de terrain, magistrats, chercheurs, élus, syndicats et associations ;
- Fin 2025 : une journée nationale de clôture, où seront présentées les conclusions ;
- Remise d’un rapport final par la mission d’appui, contenant des recommandations structurantes pour refondre l’organisation, les missions et les moyens des SPIP.
Vers une réforme systémique de la politique pénale ?
À travers les EGIP, Gérald Darmanin cherche à bâtir un nouveau modèle de justice pénale, fondé sur l’efficacité, la personnalisation des peines et la prévention. Un modèle où la prison ne serait plus l’unique réponse aux infractions, et où l’insertion sociale deviendrait un levier central de lutte contre la récidive.
« L’insertion n’est pas une option dans l’exécution de la peine. Elle en est la clé de voûte. Ces États généraux doivent aboutir à une réforme en profondeur du rôle des SPIP, pour que la justice soit plus juste, plus efficace, et plus humaine », a déclaré le ministre lors du lancement.
Une mobilisation inédite de tous les acteurs du terrain
Les agents de terrain seront au cœur de cette démarche : agents pénitentiaires, magistrats, éducateurs, travailleurs sociaux, partenaires de l’insertion… Tous ont été appelés à contribuer dès avril, dans le cadre de consultations locales et internes. Cette remontée d’expérience est destinée à nourrir les réflexions des groupes de travail.
L’enjeu est de valoriser et mieux outiller les professionnels des SPIP, souvent confrontés à une montée en charge des dossiers, une complexité croissante des profils, et un besoin urgent de moyens humains et logistiques.
Une réforme qui pourrait faire date
Si les États généraux aboutissent à des mesures concrètes, ils pourraient constituer une étape charnière dans la modernisation de la justice française, à l’image des grandes réformes de la fin du XXe siècle.
L’ambition est claire : faire de l’insertion et de la probation un pilier à part entière de la politique pénale, pour répondre aux défis contemporains de la justice, de la sécurité publique et de la cohésion sociale.