On pensait avoir tout vu dans la vie politique locale : les tracts, les comparatifs budgétaires, les réunions publiques… Mais personne n’avait anticipé l’irruption d’une communication à la sauce Donald Trump, servie bien chaude sur Facebook par le maire de Chenôve, Thierry Falconnet.
Depuis quelques jours, le premier magistrat semble avoir adopté la panoplie complète du trumpisme : le soupçon permanent, le tampon “FAKE NEWS” utilisé comme matraque rhétorique, et l’idée qu’en répétant assez fort qu’on détient la vérité, celle-ci finira bien par se soumettre.
Plus besoin de mur à la frontière mexicaine : le mur, désormais, sépare les “vrais chiffres” (officiels, certifiés Facebook) des chiffres “tremendous fake” de l’opposition.
LIKE TRUMP, MAIS VERSION MUNICIPALE
Chez Donald Trump, la méthode était simple :
- S’arroger le monopole de la vérité.
- Accuser toute contradiction d’être une fake news.
- Se poser en sauveur du peuple face à la désinformation.
À Chenôve, le processus ressemble fort à un copier-coller :
- Philippe Neyraud prononce un chiffre ? Fake news.
- Il évoque un coût ? Fake news.
- Il prévoit des logements ? Grand complot des fake news.
On attend presque une conférence de presse improvisée devant le stade Léo-Lagrange, le maire déclarant : “People are saying Neyraud is wrong. Many people. A lot of people. Believe me.”
LES CHIFFRES : LA GUERRE COMME À WASHINGTON
Le Parc du Cèdre à 12 millions ?
“WRONG. FAKE. SAD.”
Version rose fuchsia : 7,5 millions. The best number, the real number.
Les intérêts de la dette à 800 000 euros ?
“TOTAL FRAUD.”
Facebook certifie : 480 000 euros. A beautiful number. Maybe the most beautiful number.”
À ce rythme, si l’opposition annonçait la météo, on pourrait entendre : “Il fera 12 degrés ? Absolutely false. Fake forecast. The sun supports me, not them.”
LES LOGEMENTS : LE “STOP THE COUNT!” DE CHENÔVE
Trump avait “Stop the Count!” lors des élections américaines. À Chenôve, cela devient : “Stop les chiffres de 2019 !”
Quand Philippe Neyraud évoque 955 logements, dont 497 sociaux, Thierry Falconnet répond avec la précision d’un tweet présidentiel : “OLD NUMBERS. LOSERS NUMBERS.”
La doctrine trumpiste est respectée : si le chiffre contredit le récit, ce n’est pas le récit qui change — c’est le chiffre qui devient fake.
OBJECTIF 6000 LOGEMENTS : UNE PROMESSE À LA TRUMP
L’annonce de 6 000 logements d’ici 2030 ?
“MISLEADING. WRONG. TOTALLY WRONG.”
La vérité municipale se veut plus visionnaire : entre 3 000 et 6 000 logements d’ici 2050, soit à peu près quand Elon Musk aura colonisé Mars.
On attend presque : “The housing will be beautiful. Amazing housing. Nobody builds like Chenôve.”
FACEBOOK : LE NOUVEAU TWITTER DE CHENÔVE
Trump avait son terrain de jeu : Twitter.
Thierry Falconnet a trouvé le sien : Facebook, avec infographies punitives intégrées.
Chaque post devient une contre-offensive.
Chaque correction, une croisade contre le mensonge.
Chaque débat, un épisode de “La Vérité selon Moi.”
L’étape suivante ? Peut-être une vidéo avec un pupitre, deux drapeaux et la formule : “Nous allons gagner, et vous allez vous lasser de gagner.”
NEYRAUD, NOUVEL “ENNEMI DU PEUPLE” ?
Dans ce scénario, Philippe Neyraud hérite malgré lui du rôle qu’avaient les médias américains : le punching-ball officiel, accusé en permanence de raconter n’importe quoi. On attend presque le slogan : « Bon Sens ? Ennemi du peuple. » C’est de la satire, évidemment — mais l’énergie y est.
La campagne municipale s’annonce très animée : du chiffre contesté, du discours martelé et une pincée de dramaturgie numérique.
Bienvenue dans l’ère : Rendre la fausse info géniale de nouveau.





