Le 16 septembre 2024, la Chambre Régionale d’Agriculture de Bourgogne-Franche-Comté a tenu son traditionnel bureau de rentrée. Ce rendez-vous a permis de faire le point sur les nombreux défis qui attendent les agriculteurs de la région d’ici la fin de l’année, tant sur le plan sanitaire qu’économique. Plusieurs invités ont été conviés pour aborder ces thématiques cruciales : Pascal Martens, Président du Groupement de Défense Sanitaire de Bourgogne-Franche-Comté (GDS BFC) et 1er Vice-Président de GDS France, Christophe Richardot, Directeur Général de Dijon Céréales et d’Alliance BFC, ainsi que Mme Lime, Directrice régionale de l’Agence de Services et de Paiement (ASP).
Une crise sanitaire sans précédent : alerte maximale pour les éleveurs
Pascal Martens a pris la parole en premier, exprimant ses profondes préoccupations quant à la situation sanitaire des cheptels bovins de la région. Selon lui, les mois à venir risquent d’être marqués par une crise sanitaire d’une ampleur considérable. Il a notamment souligné l’apparition simultanée de plusieurs maladies infectieuses qui menacent directement l’élevage. La Bourgogne-Franche-Comté, qualifiée de « triangle des Bermudes des maladies » par le Président du GDS, est actuellement au centre de trois grandes menaces sanitaires.
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Sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine (FCO) : Cette maladie, transmise par les insectes piqueurs et qui touche principalement les ruminants, progresse par le sud de la France et menace d’atteindre les élevages de la région. Le sérotype 8 a déjà causé d’importants ravages dans les élevages du sud, et son arrivée en Bourgogne-Franche-Comté pourrait être catastrophique.
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Sérotype 3 de la FCO : En provenance du nord, ce second sérotype de la fièvre catarrhale ovine représente une autre menace pour les troupeaux. Cette situation exceptionnelle, avec deux sérotypes actifs dans la même période, complique la gestion sanitaire et accroît les risques de transmission.
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Maladie hémorragique épizootique (MHE) : Outre la FCO, une troisième maladie inquiète tout particulièrement Pascal Martens et les éleveurs de la région. La MHE, une maladie émergente également transmise par les insectes, présente un risque supplémentaire pour les bovins et les autres ruminants. Les symptômes de cette maladie peuvent être similaires à ceux de la FCO, rendant le diagnostic encore plus complexe et la gestion des épidémies plus difficile.
Les conséquences sanitaires de cette triple menace pourraient être dramatiques d’ici la fin de l’année 2024. Pascal Martens a prévenu que certains élevages risquaient d’être décimés si des mesures préventives strictes n’étaient pas mises en place rapidement. Les éleveurs de broutards, en particulier, sont en première ligne, car leurs animaux sont souvent échangés et transportés entre régions, augmentant ainsi les risques de propagation.
Un appel urgent à la vaccination et à la vigilance collective
Face à cette situation d’urgence, Pascal Martens a réitéré l’importance de la vaccination. Grâce à une mesure régionale exceptionnelle, les éleveurs de Bourgogne-Franche-Comté bénéficient de la gratuité du vaccin contre le sérotype 3 de la FCO depuis début août 2024. Cela représente une aide précieuse pour les éleveurs, mais il est impératif que tous participent activement à la campagne de vaccination pour freiner la progression de la maladie.
Outre la vaccination, Martens a également lancé un appel à la responsabilité collective de l’ensemble de la filière agricole. Il a insisté sur la nécessité pour chaque acteur – des éleveurs aux transporteurs en passant par les vétérinaires – d’être particulièrement vigilant lors des rassemblements d’animaux. Ces événements sont des lieux propices à la diffusion rapide des maladies. Il est donc essentiel de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter de ramener la maladie sur le territoire et d’aggraver la situation.
Récoltes céréalières : entre chute des rendements et nécessité de diversification
Le deuxième invité, Christophe Richardot, Directeur Général de Dijon Céréales et d’Alliance BFC, a fait le point sur les résultats des récoltes céréalières de la saison. Son constat est sans appel : la situation est morose, et les exploitants de la région doivent faire face à des difficultés importantes.
Des rendements et des qualités disparates
Les blés, principal produit céréalier de la région, affichent des rendements très inégaux d’une exploitation à l’autre. Certaines zones ont bénéficié de conditions climatiques plus favorables, tandis que d’autres ont été durement touchées par les aléas météorologiques, entraînant des rendements en forte baisse. L’orge, quant à elle, connaît des rendements réduits de moitié dans certains secteurs, ce qui impacte directement les revenus des producteurs.
Pour Dijon Céréales, la baisse des rendements se traduit par une perte moyenne de 10 % par rapport aux années précédentes. À l’échelle nationale, la situation est encore plus préoccupante. Les pertes sont évaluées à 10 millions de tonnes, un chiffre sans précédent qui pourrait avoir des répercussions sur l’ensemble de la filière céréalière française.
Vers une diversification des activités agricoles
Face à ces difficultés croissantes, Christophe Richardot a insisté sur l’importance de réfléchir à des stratégies de diversification pour les exploitants agricoles. Il a notamment mis en avant des projets d’avenir comme la méthanisation – un processus permettant de produire de l’énergie renouvelable à partir des déchets organiques – et l’agrivoltaïsme, qui consiste à combiner la production agricole avec l’énergie solaire grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques dans les champs. Ces projets, en plus de contribuer à la transition énergétique, peuvent offrir des sources de revenus supplémentaires aux agriculteurs, permettant de compenser les pertes liées aux mauvaises récoltes.
Christophe Richardot a conclu en rappelant l’importance du soutien public dans la mise en place de ces projets. Il a souligné que les agriculteurs auront besoin d’un accompagnement financier fort pour réussir leur transition vers des activités plus diversifiées et résilientes face aux crises climatiques et économiques.
Les enjeux du FEADER et les difficultés administratives
La troisième intervention de ce bureau de rentrée a été celle de Mme Lime, Directrice régionale de l’Agence de Services et de Paiement (ASP). En poste depuis mars 2024, elle a profité de cette occasion pour faire un point détaillé sur l’état d’avancement des dossiers liés au FEADER (Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural).
Un grand nombre de dossiers en attente
Malgré des efforts de traitement des dossiers de subventions, un nombre important de demandes reste encore à traiter. Cette situation crée une véritable inquiétude parmi les élus de la Chambre d’Agriculture, qui craignent que le Conseil régional ne soit pas en mesure d’instruire l’ensemble des dossiers dans les délais impartis. Ces retards pourraient entraîner des difficultés financières pour de nombreux agriculteurs qui comptent sur ces aides pour finaliser leurs projets.
Mme Lime a appelé les agriculteurs concernés à rester particulièrement vigilants dans le suivi de leurs dossiers administratifs. Elle a insisté sur la nécessité de ne prendre aucun retard dans l’envoi des pièces justificatives requises, faute de quoi le paiement des aides pourrait être retardé, voire annulé. La Directrice régionale a également rappelé que le respect des délais administratifs est essentiel pour garantir le bon déroulement des projets et éviter tout préjudice financier.
Conclusion : une mobilisation collective indispensable
Le bureau de rentrée de la Chambre Régionale d’Agriculture de Bourgogne-Franche-Comté a permis de dresser un tableau complet des défis majeurs qui attendent les agriculteurs de la région dans les prochains mois. Entre crise sanitaire, chute des rendements céréaliers et incertitudes financières, l’agriculture régionale traverse une période particulièrement difficile.
La Chambre Régionale d’Agriculture, consciente de ces enjeux, appelle à la mobilisation collective de tous les acteurs du secteur agricole. La vaccination, la vigilance lors des rassemblements, ainsi que l’anticipation des démarches administratives sont autant de leviers pour atténuer les conséquences de ces crises. Enfin, la diversification des activités agricoles apparaît comme une voie d’avenir pour renforcer la résilience du secteur face aux aléas économiques et climatiques.