« Ce n’est pas que nous allons dans le mur, c’est que nous y sommes déjà ». Par cette formule percutante, François Sauvadet, président de Départements de France, a résumé l’état de désespoir des collectivités départementales face à une situation budgétaire devenue, selon lui, insoutenable. À l’issue d’une réunion cruciale, l’Assemblée des Départements de France (ADF) a lancé un appel pressant au Gouvernement pour un sursaut politique et budgétaire.
Une équation financière impossible
Depuis trois ans, les Départements auraient subi une double peine : 5,5 milliards d’euros de dépenses supplémentaires imposées par l’État et 8,5 milliards d’euros de perte de recettes. Résultat : une marge nette en chute libre, passée de 5,4 milliards d’euros en 2022 à une estimation de seulement 155 millions pour la fin 2025. Une baisse vertigineuse de 97 % qui compromet gravement leur capacité d’action.
Des dépenses sociales non maîtrisées
Au cœur du problème, les Allocations Individuelles de Solidarité (AIS) – RSA, APA, PCH – que les Départements doivent verser sans en contrôler ni le montant, ni le nombre de bénéficiaires. Or, selon l’ADF, l’État ne compense plus ces dépenses depuis des années, alors même que les décisions d’augmentation relèvent de sa seule autorité. Aujourd’hui, les dépenses sociales représentent 70 % des budgets départementaux, contre 53 à 55 % il y a dix ans.
Des missions essentielles mises en péril
Cette pression croissante sur les finances sociales entraîne un effacement progressif des autres missions fondamentales des Départements : équilibre territorial, entretien des infrastructures routières et scolaires, soutien aux sapeurs-pompiers, au sport, à la culture, ou encore aux communes. Pour Jean-Léonce Dupont, président du Calvados et vice-président de DF, « il est temps que le Gouvernement prenne pleinement conscience de la gravité de la situation ».
Six demandes claires adressées à l’État
Face à cette impasse, Départements de France formule six demandes concrètes :
- Une compensation intégrale de toute nouvelle dépense décidée par l’État, conformément à l’esprit de l’article 40 de la Constitution.
- Un financement pérenne et stabilisé pour les trois AIS.
- La création d’une commission de travail dédiée à la situation des Départements, en vue de préparer les projets de loi budgétaire et de financement de la Sécurité sociale pour 2026.
- La fin de l’usage du terme générique « collectivités territoriales », jugé trop flou et source de confusion.
- Une différenciation des contributions financières entre les strates de collectivités locales, en fonction de leurs missions spécifiques.
- La reconnaissance que la hausse des dépenses départementales est imposée par l’État.
Un appel à la responsabilité
En phase avec l’exaspération exprimée récemment par les Maires de France, l’ADF souhaite tout de même jouer un rôle constructif : alerter sans se désengager, et rappeler que les Départements restent des acteurs clés de la cohésion sociale et territoriale. Mais pour cela, encore faut-il leur en donner les moyens.