Comme il s’y était engagé, François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, s’est rendu ce matin sur le site de l’usine Tetra Pak de Longvic. Une visite attendue, alors que plane la menace d’une fermeture définitive de l’établissement. L’ambiance était lourde de colère et d’inquiétude parmi les salariés, inquiets pour leur avenir. Ce site industriel emblématique de la région fait aujourd’hui l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi, dont les mesures proposées peinent à convaincre et à apaiser les craintes des employés.
Une visite attendue, mais loin d’apaiser les tensions
Il est 10h30 lorsque François Rebsamen arrive sur le site de Tetra Pak, accueilli par plusieurs dizaines de salariés. Visages fermés, pancartes à la main, les employés expriment leur colère face à une décision qu’ils jugent arbitraire et injuste : la fermeture de leur usine, annoncée lors d’un CSE extraordinaire en janvier dernier. Le site, qui emploie encore près de 120 personnes, est promis à la fermeture en septembre.
Frédéric Pissot, représentant syndical, n’a pas mâché ses mots devant les salariés rassemblés. « Camarades, nous sommes ici parce que la situation est grave », a-t-il lancé en ouverture de son discours, saluant la présence des huit secrétaires départementaux de la CGT Bourgogne-Franche-Comté, de Sandrine Mouret, secrétaire confédérale nationale, ainsi que des représentants syndicaux venus de toute la Côte-d’Or.
Le syndicaliste a dressé un tableau sombre de la situation industrielle locale : « Notre département subit une vague de désindustrialisation, au même titre qu’au niveau national. Cela fait plus d’un an que la CGT alerte sur ce sujet. Près de 400 plans de licenciement ont été enregistrés en un an, et pas un seul des trois premiers ministres successifs n’a levé le petit doigt pour mettre en place un réel plan de bataille contre ce fléau. »
Pour la CGT, la fermeture annoncée du site de Longvic est une catastrophe sociale et industrielle. « Il n’y a pas de pire violence que le chômage. Ce sont des territoires dévastés, des familles brisées, des villes anéanties », a martelé Frédéric Pissot, dénonçant la résignation des pouvoirs publics. « Contrairement à ce que prétend le gouvernement, personne ne choisit d’être au chômage. Aujourd’hui, le gouvernement et le patronat font le choix du chômage. »
Plus qu’une défense des seuls salariés de Tetra Pak, c’est une lutte contre un modèle économique que dénonce la CGT : celui où des sites rentables, dotés de savoir-faire et d’outils de production performants, sont sacrifiés au nom de la rentabilité immédiate. « La CGT demande le maintien du site de Tetra Pak Longvic et la sauvegarde des 210 emplois. Nous exigeons un moratoire sur les licenciements dans les entreprises qui réalisent des bénéfices et distribuent des dividendes, comme ici. »

Frédéric Pissot a également appelé à des mesures concrètes : conditionner les aides publiques à des engagements en matière d’emploi, instaurer un décret pour bloquer la vente d’actifs stratégiques, et cesser de financer la casse sociale via des plans qu’il qualifie d’« antisociaux ». « En aucun cas, le site de Longvic ne doit être fermé », a-t-il conclu sous les applaudissements des salariés mobilisés.
Le ministre veut « interpeller les vrais décideurs »
Conformément à l’engagement qu’il avait pris auprès des organisations syndicales, François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, s’est rendu ce vendredi matin à l’usine Tetra Pak de Longvic pour rencontrer les salariés. Face à une mobilisation forte et à la détresse sociale grandissante, l’élu a tenu à exprimer un soutien franc : « Je suis ici ce matin parce que j’ai pris l’engagement de venir. Je suis venu vous apporter mon soutien dans le combat que vous menez. »
Le ministre a rappelé avoir pris deux engagements majeurs : suivre de près le volet social des négociations en cours dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), et porter un message politique fort à destination du groupe suédois propriétaire du site. « Le PSE n’est pas terminé. J’ai écrit à Frédéric Pissot et aux organisations syndicales pour leur faire part des modestes avancées. Elles peuvent paraître limitées, mais elles existent. »
Mais c’est surtout à travers sa volonté d’agir à un niveau stratégique que François Rebsamen a voulu marquer les esprits. Il a ainsi déclaré son intention de s’adresser directement aux décideurs du siège suédois, refusant de se contenter d’échanger avec « un intermédiaire », en l’occurrence le directeur des papeteries. « Ce n’est pas avec un relais local que nous voulons discuter, c’est avec ceux qui prennent les vraies décisions, de l’autre côté de la frontière. »
Il a également rappelé qu’il suivait le dossier en coordination étroite avec le cabinet du ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, dont le directeur adjoint assure un suivi personnel. « Le message doit passer jusqu’en Suède. Ce site industriel ne peut pas être fermé de cette manière. Il s’agit d’un fleuron industriel, au cœur de la métropole dijonnaise, et dans une ville qui m’est chère, Longvic. »
François Rebsamen a souligné les investissements passés et la qualité du travail des salariés, qu’il connaît bien pour avoir visité plusieurs fois le site. « J’ai vu la qualité des équipements, l’évolution des machines, et surtout le professionnalisme des salariés. Les ouvriers sont mobilisés, il faut les respecter. »
Le ministre a également salué le travail des services de l’État : préfecture, inspection du travail, directions régionales de l’emploi, qu’il a assurés de son appui total. « Ils suivent ce dossier de près. L’inspection du travail est saisie, ses conclusions sont attendues. »
Répondant directement à l’avocat des salariés, Ralph Blindaeur, également présent sur place, François Rebsamen s’est montré à la fois attentif et prudent : « J’ai lu vos remarques. Vous allez loin dans vos accusations, vous dites que tout est illégal. Je respecte votre travail de défense, mais je vous mets aussi en garde : ce n’est pas de cette manière qu’on parviendra à sauver le site. »
Un combat juridique et politique : l’appel ferme de l’avocat des salariés
La venue du ministre a également été l’occasion pour Me Ralph Blindaeur, avocat des salariés, de porter la voix juridique et stratégique du combat engagé. Prenant la parole devant les salariés rassemblés, il a d’abord salué la présence tant attendue de l’autorité politique : « Cela fait trois ou quatre mois que, lors de chaque assemblée générale, je réclame cette présence. Aujourd’hui, l’État prend enfin la mesure de ce dossier. »
Pour Me Blindaeur, le dossier Tetra Pak Longvic est avant tout un dossier politique, emblématique d’un mouvement national de désindustrialisation massive. « Ce ne sont pas moins de 300 plans sociaux qui sont en cours à l’échelle du pays. C’est une véritable catastrophe. Et il est temps que l’autorité politique intervienne. »
L’avocat a reconnu que le plan social proposé par la direction, bien qu’« au-dessus des moyennes nationales », n’est pas le fruit d’un dialogue sincère, mais le résultat direct de la pression exercée par les salariés, les syndicats et les analyses juridiques menées : « La direction est contrainte et forcée d’améliorer son offre, car elle est aujourd’hui dans une impasse. Ce n’est pas un geste de générosité, c’est une obligation. »
Il a insisté sur le fait que le plan reste insuffisant : il ne compense pas les préjudices, ne garantit pas un reclassement solide et, surtout, « aucun plan social, aucun chèque, ne remplacera un emploi perdu ». Selon les statistiques de l’ADARES, seulement 40 à 45 % des salariés concernés par un PSE sont effectivement reclassés. « Et vous savez bien dans quelle catégorie vous vous situez », a-t-il lancé avec gravité.
Dans un échange direct avec François Rebsamen, Me Blindaeur a appelé le ministre à jouer un rôle décisif : « Vous avez les moyens de faire venir les vrais décideurs à la table des négociations, ceux qui ont le pouvoir, le carnet de chèques et la compétence de dire oui ou non. On ne peut pas continuer à discuter avec des porteurs d’eau. »
L’avocat n’a pas éludé la dimension judiciaire du dossier. Il a évoqué des soupçons de manœuvres illégales par le groupe, évoquant même une infraction pénale grave – le recours présumé à de la main-d’œuvre illicite –, passible de peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. « L’État a un levier. Ce groupe ne peut pas continuer à agir en toute impunité. »
Enfin, il a appelé à une table ronde nationale, réunissant le ministère de l’Industrie, le ministère du Travail, les syndicats et le groupe Tetra Pak : « Nous attendons que l’autorité politique que vous incarnez, Monsieur le ministre, prenne cette initiative. La balle est dans votre camp. »
Prévu ce vendredi, le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), que la direction souhaitait faire signer rapidement, est jugé « indécent » par les salariés. Selon plusieurs sources internes, les propositions ne seraient pas à la hauteur des enjeux humains et économiques. Le flou persiste quant aux mesures d’accompagnement, aux reclassements ou aux éventuelles reconversions.
Un symbole de plus dans la désindustrialisation française
Avec cette fermeture, c’est une nouvelle page qui pourrait se tourner pour l’industrie française. L’usine Tetra Pak de Longvic, implantée depuis plusieurs décennies, est bien plus qu’un simple site de production : elle représente un tissu économique, des familles, des parcours professionnels entiers. Sa disparition viendrait s’ajouter à la longue liste des restructurations industrielles que connaît le pays depuis des années.
Alors que les négociations doivent reprendre dans les jours à venir, l’intervention du ministre sera-t-elle suffisante pour inverser la tendance ? Les salariés n’osent plus y croire, mais restent mobilisés. Dans cette lutte pour leur avenir, ils peuvent compter sur un soutien de poids : celui de François Rebsamen.













